Les émission des voitures électriques
Les voitures électriques (VE) émettent des GES à deux grands moments : la construction et la recharge.
Les émissions de la construction d’une citadine électrique se répartissent comme suit. Les chiffres que nous donnons ici sont tirés de l’étude de la FNH qu’on développera plus bas.
On voit que produire la batterie émet 3.7 tonnes de CO2 et produire la totalité de la citadine émet 9.5 tCO2e. En comparaison, produire une citadine essence ne génère “que” 6.2 tCO2e.
On voit donc que produire une VE émet davantage de GES que produire une voiture thermique et que la batterie représente une part importante de cet écart d’émissions.
Le second moment où une VE émet des GES c’est la charge de la batterie. Produire de l’électricité occasionne toujours des émissions. La VE sera donc propulsée par une électricité qui concentre plus ou moins de GES selon la manière dont l’électricité a été produite.
Voici une carte qui montre l’intensité carbone des électricités européennes à l’instant où j’écris ces lignes (le 5 mars à 10h). Je vous invite à jouer avec ce formidable outils qu’est l’electricity map. Vous pourrez visualiser et jouer avec les différentes intensités carbone des électricités dans le monde.
On y voit donc clairement qu’un VE rechargé en Norvège ou en France concentrera moins de GES dans sa batterie que le même véhicule rechargé en Pologne ou aux Pays-Bas.
Thermique VS électrique : qui émet le moins en France ?
L’étude que nous avons retenu pour évaluer les impacts climats des VE et des voitures thermiques est une étude de la Fondation pour la nature et l’homme et l’European Climate Foundation. Cette étude date de 2017 et propose des résultats très complets. C’est Carbone 4, le cabinet d’expertise spécialisé dans le climat, qui a conduit les travaux de recherche.
Le but de cette étude est de comparer les émissions des VE et des voitures thermiques sur tout leur cycle de vie. Ils prennent en compte le plus de paramètres possibles : la production de la voiture, de la batterie, les émissions liées à l’extraction et à la transformation des matériaux et carburants, les émissions liées à la combustion, les émissions de l’électricité, de sa distribution, les émissions liées à la fin de vie, au retraitement et incluent aussi, mais cette fois-ci en positif, le crédit carbone du recyclage (à la fois des éléments ordinaires du véhicules et de la batterie).
Voici un tableau qui synthétise les résultats que présentent cette étude (voir page 91 pour les chiffres détaillés).
On y voit que, selon cette étude, la citadine électrique émet 3.2 fois moins de GES qu’une citadine thermique sur tout son cycle de vie. Pour les berlines, la berline électrique émet 2.3 fois moins de GES que sa concurrente thermique.
Le résultat semble sans appel : la VE c’est beaucoup mieux pour le climat.
Seulement, en regardant les hypothèses considérées par les auteurs, nous avons remarqué une curiosité. Vous les retrouverez page 54 de l’étude.
Les auteurs considèrent qu’une citadine (thermique ou électrique) roule 150 000 km en 10 ans, soit 15 000 km/an et qu’une berline (thermique ou électrique) roule 250 000 km en 10 ans soit 25 000 km/an.
Le problème, c’est que ces hypothèses ne correspondent pas du tout à la réalité. L’INSEE nous dit combien de km parcourent en moyenne les véhicules en France.
On voit donc que les voitures diesel parcourent un peu moins de 16 000 km par an et que les voitures essence n’en font pas 9 000 km. La moyenne kilométrique en France est à 13 100 km.
Bref, on est très loin des 15 000 ou 25 000 kilomètres annuels que considèrent l’étude de la FNH.
C’est un problème parce que surestimer le parcours des véhicules avantage les VE. Un véhicules diesel qui parcourent 25 000 km va émettre de grandes quantités de CO2 en roulant et, en comparaison, la VE – qui n’émet que très peu à l’usage grâce à l’électricité française décarbonée – paraîtra bien plus avantageuse.
Voilà pourquoi nous avons décidé de refaire le graphique en nous basant sur des hypothèses kilométriques raisonnables. Nous avons considéré que les citadines roulent 9 000 km /an (comme la moyenne des essence) et que les berlines roulent 16 000 km/an. (comme la moyenne des diesel).
Pour faire nos calculs, nous avons réduit les émissions de la “phase d’usage” – données en troisième colonne de la page 91 de l’étude – en proportion de la réduction kilométrique. Nous avons donc appliqué un facteur 0.6 pour les citadines (réduction kilométrique de 40 % par rapport aux 15 000 originels) et de 0.64 pour les berlines (réduction kilométrique de 36% par rapport aux 25 000 originels).
Voici nos résultats :
On voit que, lorsqu’on prend des hypothèses kilométriques réalistes, la VE reste plus avantageuse pour le climat que la voiture thermique. En revanche, les facteurs ont chuté par rapport aux hypothèses de la FNH. La citadine électrique émet 2.3 fois moins de GES que la thermique (contre 3.2 fois moins précédemment) et la berline électrique émet, elle, 1.8 fois moins de GES que sa concurrente thermique (contre 2.3 précédemment).
Bref, lorsqu’on considère tous le cycle de vie du véhicule et des hypothèses kilométrique raisonnables, la conclusion est sans appel : la VE est un excellent moyen de diviser les émissions de GES du transport individuel par 2. C’est pas mal du tout.
Avant d’en finir avec cette étude de la FNH, une petite précision pour expliquer un chiffre “curieux”.
Dans la vidéo, on montre à la fois que les émissions de GES liés à la seule construction d’une citadine électrique sont de 9.5 t CO2e ET QUE les émissions de GES d’une citadine électrique tout au long de sa durée de vie (9 000 km/an) ne sont que de 9.3 t CO2e. Comment est-ce possible ?
Et bien, tout se joue dans les crédits carbone de recyclage.
L’étude de la FNH est tellement complète qu’elle prend en compte la fin de vie du véhicule. Or, de nombreux éléments des voitures sont recyclés après 10 ans. Cela peut-être sous la forme d’une revente ou d’un recyclage “classique” après mise au rebut, tri et traitement.
Les “crédits de recyclage” se voient bien dans la présentation qu’ils donnent de leurs résultats (p.8).
Revenons à notre chiffre en apparence aberrants.
Ce tableau récapitule les émissions de la citadine électrique dans notre hypothèse de 9 000 km par an. Les données viennent de la page 91 de l’étude – à l’exception de la phase d’usage que nous avons modifié avec nos hypothèses.
On voit donc que les émissions de la phase d’usage sont extrêmement faibles (0.26 tCO2e) et que les crédits de recyclage (2.5 tCO2e) permettent d’arriver à un chiffre total (9.26) inférieur à la seule phase de production (9.5).
Thermique VS électrique : et dans le monde ?
L’étude que nous avons retenu pour évaluer les émissions de GES des VE dans le monde est une étude du site d’expertise climatique Carbon brief.
Nous retenons cette étude parce qu’elle actualise une des meilleures “Analyse cycle de vie” sur les voitures électriques, celle de Hall et Lutsey publiée en 2018.
Carbon Brief actualise ces données avec les derniers modèles de VE et de batterie : la Nissan Leaf 2019 à batterie de 40 kWh.
En voilà les résultats compilés dans un joli graphique.
Sur ce graphique, on voit que la VE la plus vendue et la plus récente en Europe – la Nissan Leaf – émet moins que la voiture thermique moyenne. C’est très très vrai dans les pays où l’électricité est très peu carbonée comme Norvège ou France MAIS c’est aussi vrai dans les pays où l’électricité est bcp plus carbonée comme D ou US qui ont encore pas mal de gaz et de charbon.
On voit aussi sur ce graph que même les “pires” VE, celles qu’on charge en D ou aux US, elles émettent moins de GES que la meilleure hybride du marché : la Toyota Prius Eco.
Donc oui, la manière dont on produit l’électricité a une influence sur le match VE/VT. – l’électricité est carbonée moins la VE émet, et donc plus elle gagne le match climat contre les voitures thermiques.
Comment diviser par 2 l’impact des voitures électriques ?
Dans cette analyse cycle de vie des émissions de GES causées par les batteries de véhicules électriques, on trouve page 48 le résultat suivant.
Entre 48 .3 et 56.4 % des émissions de GES liées aux batteries proviennent de la phase d’assemblage. En clair, l’électricité utilisée pour faire tourner les machines des usines d’assemblages de batterie occasionnent autour de la moitié des émissions de GES.
La raison est simple : l’essentiel des batterie est produite en Asie (Chine ou Corée) où l’électricité est encore très carbonée. Il suffirait donc d’assembler les batteries dans des pays où l’électricité est déjà décarbonée pour diviser les émissions incorporées dans les batteries par deux !
C’est exactement le raisonnement de Tesla qui a ouvert, en 2017, une “Gigafactory” dans le Nevada. Cette Gigafactory est alimentée par des panneaux solaires qui ont permis à Tesla de réduire de 40% les émissions de GES de sa Tesla 3 (source Carbon brief).