Les "ultra riches", le 1 %, les milliardaires, on entend souvent parler des plus riches. Mais qui sont-ils vraiment ? Comment s'évalue la richesse ? A partir de quand, ou plutôt, de combien est-on "riche" ?
Tous nos chiffres sont tirés des données de Piketty et son équipe d’économistes – Bertrand Garbintini, Jonathan Goupille-Lebert, Antoine Bozio et Malka Guillot. Le projet de cette équipe de recherche est de comprendre, aussi finement que possible, ce qu’est la richesse en France et dans le monde. Ils y ont consacré de nombreux articles et rapports et offrent à présent toutes leurs données dans un site internet extrêmement bien fait.
Voici les tableaux qui synthétisent les données que nous avons utilisées.
Ce tableau représente la distribution des revenus mensuels avant impôts des adultes en France en 2014. Il montre les SEUILS d’entrée dans chacun des quantiles. Cela veut donc dire que, pour appartenir à D10 (soit les 10% de Français aux plus hauts revenus) il faut gagner au minimum 5080 € par mois. Évidemment, le seuil pour faire partie de D1 – soit les 10% de Français les plus pauvres – est à zéro.
Pour obtenir ces chiffres, nous avons utilisé la base de données du WID – la World Inequality Database alias « Base de donnée sur les inégalités mondiales ». Elle est extrêmement complète, permet d’appréhender les inégalités de revenus et de patrimoines pour presque tous les pays du monde. Nous vous invitons à jouer avec cette base, vous apprendrez plein plein de trucs. Pour ce faire, cliquez sur le lien du haut (ou celui-ci, c’est le même) et amusez-vous à choisir indicateurs, pays et années.
Si vous préférez les graphiques, voilà le graph issu du tableau du dessus.
Ce graph donne le vertige n’est-ce pas ?
Dans notre vidéo, nous citons le nombre d’adultes concerné par chaque quantile. On dit « les 50 000 Français composant le top 0,1% » etc. D’où nous viennent ces chiffres ?
Le nombre d’adultes composant D10, Top 1% etc. est donné par le tableau suivant – extrait de la page 94 du Rapport sur les inégalités mondiales Il vous suffit de consulter la colonne « Number of adults » (nombre d’adultes) pour voir que chaque décile (D1, D2 etc.) regroupe 5,172 millions de Français ; que le Top 1% en compte 10 fois moins (517 000) etc.
Ce qui distingue les riches du reste de la population, c’est aussi la source de leurs revenus.
Pour déterminer d’où proviennent les revenus de chaque groupe de la population, nous nous appuyons encore une fois sur les données de Piketty et ses équipes. Il s’agit cette fois d’un tableau issu d’un article écrit en 2018 pour la Banque de France consultable ici, à la page 65.
On y voit ici clairement que, plus on monte dans la pyramide des revenus moins les « revenus du travail » (c’est-à-dire les salaires et retraites) représentent une part importante. Dès le seuil indiquant les 1% les plus riches (noté ici P99), les revenus du travail deviennent minoritaires pour ne représenter qu’un ridicule 20% quand il s’agit des 0,1% les plus riches.
Ce qui distingue un ultra riche du commun des mortels (et des « riches qu’on croise) c’est que l’immense majorité (80%) de ses revenus proviennent de son patrimoine, de ce qu’il possède : une entreprise, des actions, des placements financiers, de l’immobilier etc.
Les patrimoines sont encore plus inégalement répartis que les revenus. Pour appréhender les patrimoines, nous nous sommes appuyés sur le « Rapport sur les inégalités mondiales » publié en 2018 par les économistes Facundo Alvaredo, Lucas Chancel, Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman. Le tableau que nous reproduisons ici est issu de la page 222 du rapport.
Nous voyons ici une vérité effrayante : les 50% de Français qui possèdent le moins, ne possèdent que 6,3 % du patrimoine total des Français. Le Top 0,1% se partage quant à lui 8,2% du patrimoine total de la France. 51 700 personnes possèdent davantage de parts du gâteau que 25,8 millions de Français !
On comprend donc que les inégalités et la grande richesse se remarquent encore plus dans ce qu’on possède, dans les patrimoines, que dans les revenus, ce qu’on gagne. C’est une info méga importante parce que, du coup, ça nous montre l’importance des « impôts sur les patrimoines » (comme l’ISF ou les taxes sur les gros héritages) dans la lutte contre les inégalités.
Si vous tapez sur Google « Inégalités de revenus France » ou « Richesse en France » ou « combien gagne 1% » vous arriverez probablement sur des chiffres différents de ceux présentés dans nos tableaux.
Ces chiffres proviennent tous de la grande enquête sur les revenus de l’INSEE (l’Institut National des Statistiques et Etudes Economiques) publiée en 2018. L’enquête de l’INSEE est remarquable et doit être saluée parce que l’étude des « très hauts revenus » et des « très hauts patrimoines » est récente dans l’histoire de la statistique française.
Nous avons choisi de retenir les données des équipes de Piketty plutôt que celles de l’INSEE pour deux raisons.
D’abord parce que Piketty compte les revenus des ADULTES et pas des « ménages » ou des « unités de consommation » (UC) comme le fait l’INSEE. On s’est dit que des adultes, on en croise tous les jours dans la rue. On peut pas en dire autant des ménages ou des UC qui sont des catégories produites par l’administration fiscale ou par les statistiques sur le pouvoir d’achat. Les données de Piketty nous apparaissaient donc plus faciles à lire.
Ensuite et surtout, les données de Piketty sont construites pour appréhender beaucoup plus précisément les très hauts revenus et patrimoines que l’enquête de l’INSEE. Quand on s’intéresse au commun des mortels, les données fiscales (les déclarations d’impôts) donnent une bonne idée des revenus et patrimoines. Par contre, il est impératif d’appliquer des méthodes particulières pour lorsqu’on s’intéresse à la grande richesse. En effet, les très riches ont des sources de revenus extrêmement diverses – dont certaines exemptes d’impôts – et ont beaucoup plus recours à l’évasion fiscale. C’est pourquoi, Piketty et ses équipes s’appuie sur le concept de « revenu national avant impôt » (qui croise les données fiscales avec d’autres données économiques) et non sur les seules déclaration d’impôt. La différence entre les deux mesures est importante.
Dans un article de 2018 (p.71) consacré précisément au cas français, Piketty et ses équipes montrent que la part du revenu national détenue par les 1% les plus riches est supérieure à 11% lorsqu’on considère le « revenu national avant impôt » (national income, en bleu foncé) alors qu’elle tombe à 8% si on ne considère que les déclarations d’impôts (fiscal income, en bleu clair).
Pour ces deux raisons, nous pensons les données des équipes de Piketty bien plus précises pour évaluer les très hauts revenus et patrimoines.