L’obésité : une épidémie mondiale
L’obésité a énormément progressé depuis les années 1970.
En 1975, 4.6 % adultes étaient obèses, en 2016 ils étaient 13.2 %. Dans le monde, la proportion d’obèses a été multipliée par 3 en 40 ans !
Si on ajoute les adultes en surpoids, on est passé de 21.5% des adultes en surpoids ou obèse en 1975 à presque 40 % (38.9) en 2016.
Au total, en 2016, presque 2 milliards d’adultes étaient en surpoids, et plus de 650 millions étaient obèses.
Pourtant, quand on pense à l’obésité, on a encore tendance à croire que c’est uniquement un problème de pays riches.
Mais cette carte montre bien que le problème est mondial.
Aux Etats-Unis, 37% des adultes sont obèses. L’obésité dépasse les 20% d’adultes obèses dans toute l’Europe, le pourtour méditerranéen, une bonne partie de l’Asie centrale, l’essentiel de l’Amérique du sud. L’épidémie d’obésité y frappe un adulte sur 5 ! Et on a beaucoup d’obésité dans des pays comme la Lybie, L’Egypte, l’Irak ou le Kazakhstan, qu’on peut difficilement qualifier de “pays riches”
Dans des pays pauvres d’Afrique comme la Somalie, le Togo ou la Tanzanie, 6-7% des gens sont obèses : c’est bien plus que la moyenne mondiale en 1975.
Si on compare la situation en 2016 à 1975, on voit que l’obésité a augmenté partout.
Partout dans le monde; l’épidémie se répand.
L’IMC et ses limites
C’est quoi être obèse ? Déjà, il faut savoir que l’obésité est considérée aujourd’hui par l’OMS, l’organisation mondiale de la santé comme une maladie.
L’OMS définit l’obésité comme une accumulation anormale ou excessive de masse graisseuse qui nuit à la santé.
Pour avoir une idée de l’étendue de l’épidémie d’obésité, on utilise un indicateur commode : l’IMC, l’ indice de masse corporelle.
Cet indicateur est hyper simple : c’est une division de votre poids en kilos par votre taille en mètres au carré.
Avec ces mesures méga simples de poids/taille au carré, il est possible de calculer l’IMC de millions de personnes et de voir si elles sont en surpoids ou obèses.
L’obésité elle-même a plusieurs “grades”. Il y a l’obésité de classe 1 – qui regroupe les IMC de 30 à 35. Celle de classe 2, l’obésité sévère, avec les IMC de 35 à 40 et enfin l’obésité de classe 3, que certains appellent “morbide”, qui rassemble les IMC supérieurs à 40.
L’IMC est un indicateur très simple mais, forcément, imparfait : le poids ne fait pas de différence entre la masse graisseuse, la masse musculaire et le poids du squelette.
Dans certains cas individuels, on peut donc avoir un IMC élevé et ne pas être réellement « en excès de masse graisseuse ».
Scilabus, c’est une excellente vulgarisatrice sur Youtube qui a consacré toute une vidéo à l’IMC et à ses imperfections, une vidéo qu’on vous recommande.
Autre imperfection de l’IMC, le seuil d’obésité à 30 a été fixé à partir d’études sur les risques sanitaires de populations blanches aux Etats-Unis et en Europe.
Or, certaines études suggèrent que ce seuil “d’obésité” pourrait être plus bas pour d’autres populations – notamment asiatiques. Pour ces populations, on pourrait souffrir de dommages sur la santé avec un IMC de 25-26 et non de 30.
[ SOURCES : Consultation d’experts de l’OMS publiée dans The Lancet, 2004, Pang Wen et al. 2009, Are Asians at greater mortality risks for being overweight than Caucasians? Redefining obesity for Asians ]
L’IMC a donc plusieurs défauts, et votre IMC individuel à vous ne vous dit pas toujours de manière très fiable où vous vous situez réellement.
Pour faire mieux, il faut aller vers des indicateurs de meilleure qualité, plus prédictif.
Ces indicateurs existent : le tour de taille ou le pourcentage de masse graisseuse mesurée avec notre magnifique adipomètre mesurent mieux l’obésité mais ils sont beaucoup moins pratiques que l’IMC pour faire des enquêtes mondiales.
L’obésité en France
Aujourd’hui, voilà le tableau de l’obésité en France.
En 2020, 30 % des adultes sont en surpoids et 17% sont obèses. Au total, un adulte sur deux est gros ou obèse ce qui équivaut à quasiment 24 millions de personnes en surpoids dans notre pays.
La proportion d’adultes en surpoids est restée plutôt stable ces 25 dernières années, autour de 30%. Ce qui a augmenté, c’est pas tellement le surpoids, c’est l’obésité.
La part des adultes obèses a doublé en 25 ans. Plus inquiétant, la part des “obèses de stade 3”, de l’obésité morbide, a explosé.
En 1997, ces obèses là n’existaient quasiment pas, aujourd’hui, 2% des adultes ont un IMC supérieur à 40. On parle là d’un adulte sur 50.
On est pas encore au niveau des États Unis et leur 9.6 % d’adultes avec une obésité de classe 3, quasiment 1 sur 10, mais on commence à s’en approcher. Cette très grande obésité n’est plus anecdotique en France, elle commence à se voir.
Maintenant, vous vous demandez peut-être : qui est obèse ?
Première chose à savoir – que, je dois dire, on ignorait totalement – les femmes sont légèrement plus touchées que les hommes par l’obésité.
C’est un fait qu’on remarque dans plein de régions du monde.
[ SOURCE “Monde” : NCD Risk Factor Collaboration, “Worldwide trends in body-mass index, underweight, overweight, and obesity from 1975 to 2016”, The Lancet 2017, Supplementary Material Figure 8 pp.435-436 ]
Ensuite, l’obésité concerne quasiment deux fois plus les ouvriers et les employés que les cadres. On voit que l’obésité touche plus les pauvres que les riches.
Enfin, l’obésité progresse avec l’âge. On est plus souvent obèse à 50-60 ans qu’à 40 ans, et on l’est plus à 40 ans qu’à 20-30 ans.
Fait notable et inquiétant : l’écart se resserre : les jeunes adultes sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à être. concernés par l’épidémie d’obésité. Autrement dit : on devient obèse de plus en plus tôt, de plus en plus jeune.
Les jeunes parlons-en. En 2020, c’est quand même 8% des enfants de 8-10 ans qui sont obèses.
[ Source : Etude OBEPI-Roche 2020, “Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité pour la Ligue contre l’Obésité”, 2021, p.27 ]
Chez élèves de 3ème l’obésité est inférieure – elle concerne 5% des ados .- mais elle progresse depuis 2001
Conséquences sanitaires de l’obésité
L’obésité est une maladie dangereuse. Comment l’excès de graisse nuit-il à la santé et finit par tuer ? En favorisant l’installation et l’aggravation de maladies elles-mêmes mortelles.
L’exemple le plus immédiat c’est le Covid. On a tous entendu que l’obésité était l’une des principales “comorbidités” qui augmentent le risque de faire des formes graves, d’être hospitalisé et de mourir du covid.
En France, ca a été documenté par les enquêtes EPI-PHARES (p.31) qui montrent que, toute choses égales par ailleurs, être obèse augmentait le risque d’être hospitalisé et de mourir du covid d’environ 60%.
Mais le Covid n’est pas là seule maladie entraînée par l’obésité. Diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires, cancers, voilà quelques-unes des maladies que l’obésité peut favoriser. Plus on est obèse, plus le risque de mourir de ces maladies augmente.
Être en surpoids [25-30] est déjà associé à un risque un peu plus élevé qu’un poids “normal”. Mais quand on rentre dans le territoire de l’obésité de classe 2 [35-40] ou de classe 3 [>40] là on voit les risques de mourir exploser, multipliés par 2, 3, 4 selon les maladies.
[ SOURCE : The Global BMI Mortality Collaboration, « Body-mass index and all-cause mortality: individual-participant-data meta-analysis of 239 prospective studies in four continents », The Lancet 2016, Supplementary Appendix p.29 ]
Résultat des courses : les obèses vivent en moyenne moins vieux.
A 40 ans, l’espérance de vie d’un obèse est inférieure de + de 4 ans à celle d’un individu d’IMC normal. Et là encore, plus on est gros, moins on vit vieux.
[ SOURCE : Bhaskaran et. al., « Association of BMI with overall and cause-specific mortality: a population-based cohort study of 3·6 million adults in the UK », Lancet Diabetes & Endocrinology 2018, Table 3 ]
Perdre plus de 4 ans d’espérance de vie à 40 ans ça place l’obésité tout pile entre le tabac et la grosse conso d’alcool ou la pollution de l’air à Paris dans l’échelle des facteurs de risque.
Au total, en 2019, l’obésité a tué plus de 5 millions de personnes dans le monde.
Cette année, l’obésité était le 5ème facteur de risque de mortalité, devancé uniquement par l’hypertension, le tabac, la pollution intérieure et extérieure et l’excès de sucre dans le sang.
Autre enjeu majeur, psychologique cette fois, les scientifiques ont découvert un lien intime entre obésité et dépression.
Une grande méta-analyse de 2010 montre qu’obésité et dépression s’entrerenforcent : être obèse augmente de 55% le risque de faire une dépression et, dans l’autre sens, être déjà dépressif augmente de 58 % le risque de devenir obèse.
[ SOURCE : Luppino et. al. “Overweight, obesity, and depression: a systematic review and meta-analysis of longitudinal studies”, Arch Gen Psychiatry 2010 ]