Introduction :
Les Français s’appauvrissent-ils ? Notre niveau de vie s’est-il dégradé depuis 20 ans ?
Honnêtement, on peut se poser la question. En 20 ans, on a vécu la crise financière de 2008, qui s’est enchaînée avec la crise de l’euro, l’explosion du chômage, et les politiques austéritaires mises en place dans toute l’Europe à partir de 2010. Ces politiques d’austérité ont été largement contre-productives et ont pénalisé l’économie européenne comme les services publics pendant des années.
Fin 2018, l’épisode des Gilets jaunes a souligné les difficultés des Français modestes.
Ensuite, on a eu le covid et les confinements, la guerre en Ukraine, l’explosion des prix de l’énergie, et deux années de forte inflation en 2022 et 2023.
Vingt ans, c’est aussi le bilan de 4 présidents. Jacques Chirac au début des années 2000; son héritier Sarkozy jusqu’à 2012, François Hollande le socialiste ensuite puis, à partir de 2017, les présidences Macron.
Alors, est-ce qu’en 20 ans, le niveau de vie des Français s’est amélioré, est-ce qu’il a stagné, ou carrément diminué ?
Comment ont évolué les inégalités entre riches, moyens et pauvres ? Le système de redistribution français a-t-il fonctionné ?
Au-delà de ce qu’on gagne – les revenus – il faut aussi parler de ce qu’on possède : le patrimoine. Depuis le début des années 2000, les prix de l’immobilier ont explosé, et ça n’a pas fait que des gagnants.
Qui est plus riche qu’il y a 20 ans ? Qui est plus pauvre ? C’est à toutes ces questions qu’on va répondre ensemble maintenant.
Avant redistribution : évolution des revenus primaires des Français
Pour savoir si les Français se sont enrichis ou appauvris, la première chose à regarder c’est ce qu’on gagne chaque mois, les revenus.
Entre 2003 et 2021, le revenu moyen a augmenté de 15%. On parle là du revenu AVANT les impôts, et aussi AVANT les éventuelles aides : allocations familiales, RSA, minimum vieillesse ou encore chèques énergie.
Ces 15% d’augmentation, sont “net d’inflation”. Le calcul tient compte de l’augmentation des prix entre 2003 et 2021, donc c’est vraiment +15%.
Par contre, c’est une moyenne, et une moyenne peut cacher des situations très inégales.
Quand on regarde l’évolution par décile de revenus, c’est-à-dire des 10% de Français qui gagnent le moins aux 10% qui gagnent le plus, on voit que notre pays se divise en 3 blocs.
- Du troisième au neuvième décile, du haut des classes populaires à la classe moyenne aisée si vous voulez – les revenus ont suivi la moyenne nationale, ils ont progressé d’environ 15%. Mais pour les plus riches et les plus pauvres c’est très différent.
- Du côté des 10 % les plus riches, leurs revenus progressent de plus de 20%. Pour le 1% des Français avec les plus hauts revenus, la progression dépasse 40%.
- Du côté des plus pauvres, le revenu des 10% de Français qui gagnent le moins a été quasiment divisé par deux en un peu moins de 20 ans. C’est la dégringolade.
Les 10% suivants ont vu leurs revenus totalement stagner depuis 2003. Ils ont décroché par rapport à la progression des classes moyennes.
Pour comprendre cette explosion des inégalités depuis 2003, on peut regarder comment les revenus des pauvres, des moyens et des riches ont évolué année après année.
Commençons par les plus pauvres. C’est à partir de 2008, que les revenus des plus pauvres décrochent. A partir de la crise financière de 2008, les revenus du deuxième décile commencent à d’écarter de la moyenne alors qu’ils la suivaient jusque-là.
C’est aussi à partir de la crise financière que les revenus des 10% les plus pauvres se sont effondrés, alors qu’ils n’avaient pas totalement décrochés avant 2008.
Il faut bien comprendre que les 10% de personnes qui gagnent le moins, le D1, n’ont quasiment aucun revenu avant les transferts sociaux.
[ SOURCE : INSEE, « Un tiers des personnes à très bas revenus en 2003 le sont encore près de 20 ans plus tard », p.2, Octobre 2024 ]
Un facteur majeur d’explication de cet effondrement de leurs revenus c’est que parmi ce D1, de plus en plus de personnes ne touchent plus aucun revenus. En 2003, ces personnes sans revenus représentaient 30% du D1, en 2018, c’était 40 % et en 2021, c’était 46%, quasiment la moitié.
L’explosion des revenus nuls entre 2018 et 2021, pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron correspond bien à la baisse de 18 % des revenus du D1 sur la même période .
Est-ce que la montée des D1 sans revenus s’explique par une montée du chômage ? Entre 2008 et 2016-17, c’est possible.
Avec la crise financière, la crise de l’euro et les politiques d’austérité qui ont suivi, le chômage a fortement augmenté. Mais après 2017, on dirait plutôt que non. Qu’on regarde le chômage mesuré par l’INSEE ou le nombre d’inscrits à France Travail qui ne travaillent pas, on ne voit pas d’augmentation comparable. Le chômage a plutôt diminué.
En apparence donc ce n’est pas une augmentation du chômage qui explique que récemment, de plus en plus de personnes en France n’ont aucun revenu. L’explosion des revenus nuls, c’est un petit mystère à résoudre. On y reviendra plus tard.
Mais avant ça, parlons des riches. A quel moment leurs revenus se sont mis à décoller ?
Pour les 1% les plus riches, le truc à noter quand on regarde l’évolution de leurs revenus depuis 20 ans c’est la “parenthèse François Hollande”. On voit que la période 2012-2017 forme un creux dans l’augmentation de leurs revenus avant impôts. Comment l’expliquer ?
On a exploré plusieurs pistes et l’explication qui nous paraît la plus convaincante – on peut se gourer, on n’a pas trouvé d’études spécifiquement là dessus – c’est la réforme fiscale de Hollande qui a aligné la fiscalité des revenus du capital sur ceux du travail.
En augmentant les taxes sur les revenus du capital – sur les loyers, les dividendes, les plus-values – Hollande a rendu ces types revenus moins intéressants.
On l’a expliqué plusieurs fois, notamment dans la vidéo Qui sont les riches ?, les plus riches, qui sont souvent à la tête d’entreprises, ont le pouvoir de décider de se verser ou non des revenus et de choisir si ces revenus seront des revenus du travail (des salaires) ou des revenus du capital (des dividendes).
Les plus riches ont donc probablement décidé de se verser moins de revenus du capital pendant cette période de fiscalité plus élevée sous Hollande. Ils ont ainsi gardé plus d’argent dans leurs entreprises.
En 2017, l’arrivée du Président Macron a été une bénédiction pour eux. Il a immédiatement décidé de supprimer l’ISF et de baisser considérablement la fiscalité sur le capital avec la flat tax à 30%. Et que s’est-il passé ? – ô hasard – les revenus des 1% les plus riches ont commencé à monter en flèche.
On remarque donc que les 40% d’augmentation des revenus avant impôt des 1% des plus hauts revenus ne tombent pas du ciel. Cette hausse, près de 3 fois supérieure à la hausse moyenne, est le résultat de la politique fiscale d’Emmanuel Macron dessinée sur mesure pour ces 1%.
Maintenant, on a le tableau général : depuis 20 ans, le gros de la population a gagné 15% de revenus et les inégalités se sont creusées : les pauvres sont beaucoup plus pauvres et les riches beaucoup plus riches.
Mais attention, même si ce qu’on vient de voir est important, il ne faut surtout pas s’arrêter là. Pour l’instant, on vous a montré la répartition des revenus avant que le système français de redistribution ne joue son rôle, avant les impôts et les transferts sociaux.
Est-ce que la hausse des inégalités qu’on voit au niveau des revenus primaires se retrouve une fois passée à la moulinette de la redistribution ? Alias : est-ce que le système social français est efficace pour corriger les inégalités de revenus ?
Après redistribution, l’évolution du niveau de vie des Français
Commençons par une petite définition. Pour savoir ce que gagnent les gens APRES notre système de redistribution, il faut regarder ce que l’INSEE appelle le NIVEAU DE VIE.
Le niveau de vie c’est :
- les revenus d’un ménage – que ce soit des salaires, des salaires différés comme les pensions de retraites ou les indemnités chômage, ou des revenus du capital.
- MOINS les impôts directs : les cotisations sociales, l’impôts sur le revenu, la CSG, la taxe d’habitation principalement.
- PLUS les transferts sociaux : ça c’est principalement les allocations familiales, les APL, les minimas sociaux (RSA, Allocation adulte handicappé, minimum vieillesse) et quelques dispositifs exceptionnels : les chèques énergie, la prime de Noël, etc.
Cette somme : REVENU – IMPÔTS DIRECTS + TRANSFERTS SOCIAUX est ensuite divisée non pas par le nombre de personnes dans le ménage, mais par ce que les statisticiens appellent les Unités de consommation ou UC.
Le premier adulte compte pour 1 UC, les adultes suivants ou les gosses de + de 14 ans c’est 0.5 UC et les enfants de – 14 ans c’est 0.3 UC.
Ca fait que, pour une famille de 2 parents, 1 enfant au lycée et 1 en primaire on aura
Revenus – impôts + transferts sociaux pour les 2 parents divisés par 2.3 UC.
Ça nous donne le niveau de vie individuel des 2 parents et des 2 gamins. Oui, on mesure aussi le niveau de vie des enfants ce qui est très utile pour savoir combien de gamins sont exposés à la pauvreté.
Comment a évolué le niveau de vie des Français depuis 20 ans ?
On remarque d’abord que l’enrichissement moyen est un peu moins élevé quand on compte en niveau de vie.
Les Français gagnent environ 13% de plus en 2021 qu’en 2003. Tout ça tient compte à la fois de la redistribution, on vient de l’expliquer, mais aussi, comme avant, de l’inflation.
Chez les plus pauvres, on voit que la redistribution a fonctionné à plein. Elle a fortement compensé l’effondrement des revenus primaires (-46.4%). Mais c’est loin d’être Byzance, malgré la redistribution, le niveau de vie des plus pauvres a quand même un peu baissé (-2.7%). En 2021, il s’établissait à 770 euros par mois en moyenne
[ SOURCE : INSEE, Enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS), DNV01bis, 14 novembre 2024 ]
Pour les 10% suivants, après la redistribution, le deuxième décile rejoint le peloton. Le niveau de vie de ces Français a augmenté de 10%. C’est pas fou, mais c’est beaucoup mieux que les 1.6% de hausse en 20 ans. En 2021, leur niveau de vie après redistribution est de 1230 euros/mois en moyenne.
[ SOURCE : INSEE, Enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS), DNV01bis, 14 novembre 2024 ]
On voit que la redistribution améliore grandement le sort des plus pauvres. Mais est-elle un poids pour les plus riches ?
Ce qu’on peut dire avec ces données c’est que sortir les plus pauvres d’un appauvrissement majeur n’a pas empêché les plus riches de voir leurs niveaux de vie augmenter.
Les 10 % ont connu, même après redistribution, le plus grand enrichissement depuis 2003 (+17.9%).
Pour votre information, être dans le top 10% en 2021 suppose d’avoir un niveau de vie de plus de 3670 euros/mois par unité de consommation. Pour notre couple avec 2 enfants, ça correspond à un total de revenus mensuels après impôts et transferts de 8440 euros/mois.
[ SOURCE : INSEE, Enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS), DNV01, 14 novembre 2024 ]
Difficile de les plaindre A la rigueur, si une catégorie peut s’estimer lésée par la redistribution, c’est le D9 dont le niveau de vie a moins augmenté que la moyenne des Français (+10.9 % VS +13.1%).
L’inflation récente : une chute de niveau de vie ?
Maintenant qu’on a dit ça, vous avez peut-être remarqué que, depuis le début de la vidéo, on s’arrête en 2021, donc avant la période d’inflation élevée qu’a connue notre pays en 2022 et 2023.
L’INSEE vient de sortir fin novembre 2024 une estimation provisoire du niveau de vie 2023. Ce n’est pas encore le top fiabilité donc prenez ce qu’on dit avec quelques pincettes, mais c’est suffisant pour voir des tendances.
[ SOURCE : INSEE, “En 2023, la hausse du niveau de vie couvre la moitié du surcoût lié à l’inflation pour les 20 % les plus modestes et plus de la totalité pour les 20 % les plus aisés”, 21 novembre 2024 ]
Le premier enseignement, c’est que la période d’inflation 2022-2023 a creusé les inégalités.
La moitié des Français qui gagne le moins a vu son niveau de vie baisser entre 2021 et 2023 et, malheureusement, plus on est pauvre plus l’inflation a tapé fort. Le D1 et le D2 ont perdu + de 2% de niveau de vie en 2 ans.
A l’inverse, la moitié la plus riche du pays a continué à gagner en niveau de vie malgré l’inflation. Les 10% les plus riches ont gagné 1.7 % de niveau de vie en 2 ans, malgré l’augmentation des prix, c’est sympa pour eux 🙂
Qu’est-ce qui explique ça ? La hausse des revenus bien sûr, mais la politique fiscale d’Emmanuel Macron n’y est pas pour rien. En élargissant la suppression de la taxe d’habitation aux très hauts revenus en 2023, il a offert aux 10% les plus riches 0.4 % de niveau de vie supplémentaire !
[ SOURCE : INSEE, “En 2023, la hausse du niveau de vie couvre la moitié du surcoût lié à l’inflation pour les 20 % les plus modestes et plus de la totalité pour les 20 % les plus aisés”, Figure 2b, 21 novembre 2024 ]
L’épisode d’inflation élevée en 2022-2023 a ainsi accentué les inégalités.
Maintenant, on peut regarder comment a évolué le niveau de vie des Français depuis 2003 – en tenant compte à la fois de la redistribution et de l’inflation récente.
Première chose à dire : les inégalités se sont énormément accrues. Au total, de 2003 à 2023, le niveau de vie des 10% les plus pauvres a baissé de 5% alors que celui des 10% les plus riches a augmenté de 20%.
Avec 20 % d’augmentation de leur niveau de vie, le top 10 % s’est 2 fois plus enrichi que le reste des Français qui, en moyenne, a connu une augmentation de seulement 10% (9.8%)
A l’opposé, les plus pauvres sont la seule catégorie sociale à avoir un niveau de vie plus faible aujourd’hui qu’il y a 20 ans.
Sans surprise, avec un niveau de vie qui diminue, le taux de pauvreté s’envole. Malgré notre système social, 1 million de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté depuis 2003.
Il existe une mesure qui permet de rendre compte en même temps de l’enrichissement des plus riches et de l’appauvrissement des plus pauvres : c’est le rapport INTERDÉCILES.
C’est un gros mot pour dire : combien de fois le niveau de vie des 10 % les plus riches est-il supérieur à celui des 10% les plus pauvres.
En 2003, les D10 gagnaient tout juste 6 fois + que les D1, en 2023 c’est 7.6 fois plus !
L’écart entre le niveau de vie des plus riches et des plus pauvres s’est accru d’un quart [ de 26 % ] en 20 ans et l’essentiel de cette hausse des inégalités a eu lieu sous la présidence d’Emmanuel Macron. Les inégalités se sont plus accrues entre 2017 et 2023 – en 6 ans – qu’entre 2003 et 2017 – en 14 ans.
Nous devons ainsi nous rendre à l’évidence. Malgré une redistribution qui a fonctionné pour amortir l’effondrement des revenus des plus pauvres, notre pays a connu une hausse importante des inégalités.
Patrimoine : les Français se sont-ils enrichis ?
Maintenant qu’on est au clair sur l’évolution des revenus des Français, on peut regarder comment a évolué leur patrimoine, leur richesse.
Entre 2003 et 2021, le patrimoine des plus pauvres s’est effondré. La richesse du premier décile a été divisée par deux. Le patrimoine du deuxième décile a baissé de presque 30% [28]. Même le troisième décile est encore dans le rouge : -5%
A partir du quatrième décile, la situation change drastiquement : le patrimoine a augmenté de 40 à 50% entre le 4ème et le 9ème décile, et il a même augmenté de plus de 60% pour les 10% les plus riches.
Qu’est-ce qui explique ce hiatus ? La réponse en un mot : l’immobilier.
Quand on regarde ce qui compose le patrimoine des Français, on voit que les trois premiers déciles n’ont quasiment pas d’immobilier. Ces 30% de Français possèdent moins de 33200 euros. Et encore, le gros de ce qu’ils possèdent, c’est ce que l’INSEE appelle le patrimoine résiduel, c’est-à-dire la valeur de leur voiture s’il en ont une, de l’équipement de la maison, des bijoux, etc.
Le patrimoine financier des plus pauvres se résume, en gros, aux comptes courants, et éventuellement au livret A.
Ce n’est qu’à partir du quatrième décile de patrimoine qu’on voit apparaître les propriétaires, celles et ceux qui possèdent de l’immobilier. On voit que l’immobilier constitue ensuite le gros du patrimoine des 50% des Français les plus riches (D5-D10), qui ont plus de 177000 [177200] euros
Chez les 10% de Français les plus riches, qui possèdent plus de 700 000 [716300] euros, on voit apparaître un nouveau type de patrimoine, le patrimoine professionnel : en gros, les propriétaires d’entreprises, mais l’immobilier est encore très présent.
Et dans les 20 dernières années, l’immobilier français a pris beaucoup de valeur.
Si le patrimoine immobilier des Français a beaucoup augmenté, c’est très peu parce qu’on a construit des nouveaux logements. 86% de la hausse de la valeur immobilière depuis 98 est dûe à la hausse des prix de l’immobilier.
Les 30% de Français les plus pauvres n’ont pas d’immobilier. Pour eux, c’est la double peine : non seulement ils n’ont pas bénéficié de la hausse des prix de l’immobilier, mais c’est aussi eux qui doivent dépenser la plus grosse part de leurs revenus pour se loger.
En 2017, le logement engloutit 28% des dépenses des plus pauvres, alors qu’au début des
années 2000, c’était “seulement” 20%. Pour les plus pauvres, se loger pèse de plus en plus lourd sur le budget.
C’est aussi le cas pour les autres Français, mais beaucoup moins. Les plus aisés sont passés de 16 à 19% de leurs dépenses en logement. Le poids des dépenses de logement est beaucoup plus faible ET il a beaucoup moins augmenté.
Bref, un fossé se creuse entre la France aisée des propriétaires, et la France des locataires pauvres.
Le patrimoine des plus riches a bien gonflé avec la hausse des prix de l’immobilier, alors que les plus pauvres sont plus pauvres qu’il y a vingt ans.
Vous l’avez compris, les inégalités de patrimoine ont augmenté.
Et encore, on s’est arrêté au Top10%. Si on zoome sur le haut de la pyramide, et qu’on va voir l’évolution du patrimoine du top 1%, 0,1%, 0,01%, la hausse est encore plus forte.
C’est le sujet d’une autre vidéo Osons Comprendre : les milliardaires, un nouveau problème historique. Dans cette vidéo, on voit que si les riches se sont bien enrichis, les ultra riches, les milliardaires, ont multiplié leur fortune par 3 en 10 ans, une explosion absolument historique et sans aucune commune mesure avec le reste des Français.
Si vous n’avez pas encore vu cette vidéo, foncez. Elle est 100% complémentaire avec celle que vous êtes en train de regarder. Mais avant ça, récapitulons ce qu’on a appris ensemble aujourd’hui, et toutes les questions que ça pose.
Conclusion
Quand on regarde l’évolution des revenus et du patrimoine des Français depuis une vingtaine d’années, comme on vient de le faire, un fait majeur saute aux yeux : l’augmentation des inégalités.
Les plus pauvres se sont appauvris, et ce n’est pas qu’un sentiment.
Avant redistribution, les revenus des plus pauvres se sont effondrés et, en particulier, de plus en plus de personnes ne déclarent aucun revenu.
Grâce aux minimas sociaux comme le RSA, la redistribution limite fortement la casse, mais force est de constater que la situation des plus pauvres s’est aggravée dans notre pays.
Le niveau de vie du premier décile a carrément baissé depuis 20 ans et ils sont plus nombreux à souffrir de la pauvreté.
Pour les deuxième et troisième déciles, leur niveau de vie a légèrement augmenté, mais ils ont décroché des classes moyennes, et leur patrimoine a diminué.
Si on ajoute l’augmentation des dépenses de logement dans le budget des ménages modestes, on comprend que la France populaire, “la France d’en bas” a vu son niveau de vie se dégrader depuis 20 ans. Elle n’a tiré aucun fruit de la croissance économique des 20 dernières années. C’est un énorme problème.
Du côté des classes moyennes, ce n’est pas la même histoire. Les revenus ont augmenté, d’environ 15% en 20 ans. Après redistribution, le niveau de vie des classes moyennes a gagné 12-13%, et leur patrimoine – surtout de l’immobilier – a pris entre 40 et 50%. Comme tout ça est après inflation, on parle d’un vrai enrichissement.
Alors oui, faut le dire, c’est pas la folie non plus ! Le niveau de vie des classes moyennes ne s’est pas ÉNORMÉMENT amélioré depuis le début des années 2000. 12-13% en 20 ans, c’est pas les 30 glorieuses. D’année en année, on ne sent pas la différence.
Mais difficile d’exiger beaucoup : depuis 2003, le PIB par habitant n’a progressé que de 15% soit, grosso modo, l’augmentation de niveau de vie des classes moyennes.
[ SOURCE : INSEE, “Évolution du produit intérieur brut et de ses composantes Données annuelles de 1950 à 2023”, juin 2024 et INSEE, “État civil et estimations de population – Insee Résultats”, Tableau T1, juillet 2024 ]
L’image d’une classe moyenne en déclin, qui paye tout et n’a droit à rien, une classe moyenne qui serait le dindon du système français, a l’air d’être exagérée, pour ne pas dire carrément fausse.
Cela dit, les classes moyennes ne sont clairement pas non plus les grands gagnants des 20 dernières années. C’est les plus riches qui ont gagné le plus, en revenus, en niveau de vie, en patrimoine, bref : à tous les étages. Et plus on monte vers le haut de la pyramide, vers les 1% et au-delà, plus les gains sont importants.
Malgré la redistribution, malgré les impôts français, c’est factuel : les plus riches sont les grands gagnants depuis 20 ans.
On a aussi appris que c’est depuis qu’Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir que l’écart entre l’évolution des plus pauvres et des plus riches a été le plus fort. Décidément, plus on regarde, plus l’étiquette de “président des riches” semble coller à la réalité.
Une fois qu’on a fait ce constat, y a beaucoup de questions qui viennent :
Comment faire pour que la situation des plus pauvres s’améliore à nouveau dans notre pays ?
Avec la montée des personnes sans revenus, de plus en plus de gens sont coincés dans les minimas sociaux. En plus d’avoir vu leur situation se dégrader depuis 20 ans, ces personnes sont pointées du doigt.
Les discours politiques qui opposent la France du travail à la France des allocs ne se trouvent plus seulement à droite, et à l’extrême-droite – où ils sont classiques, mais aussi dans une partie de la gauche, comme chez Fabien Roussel.
Alors, que penser de tout ça ?
Qu’y a-t-il derrière les discours sur les “assistés” au RSA, toujours suspectés d’être des fainéants profiteurs du système ? Si vous voulez, on pourra répondre à ces questions ensemble.
Autre manière de poser le problème : comment faire diminuer les inégalités ? On a vu que, après impôts et redistribution, les plus riches ont deux fois plus gagné que les autres, et au niveau du patrimoine, les ultra riches ont même vu leur fortune exploser. Comment les faire contribuer à leur juste mesure à l’effort fiscal ? Est-il possible de revenir sur les baisses d’impôts sur le capital et comment imposer leur patrimoine qui ne fait que grossir ?
Aussi, est-ce que la France est le seul pays à vivre cette évolution ? Comment ça se passe chez nos voisins, dans les autres pays riches ? Est-ce que d’autres ont réussi à faire progresser le niveau de vie des plus pauvres ? Est-ce que les classes moyennes ont plus gagné ailleurs ? Est-ce que les inégalités augmentent autant ailleurs ? On pourrait aussi chercher ça pour vous.