Décarboner l’électricité en 2050 : la priorité de tous les scénarios
Déjà en 2014 dans son dernier rapport, le GIEC, le groupe d’experts du monde entier sur le climat, l’affirmait de manière très claire (p.560) : pour rester sous les 2 degrés, plus de 90 % de l’électricité du monde doit provenir d’énergie bas carbone d’ici à 2050.
Et au delà du GIEC, plus récemment en 2018, Jesse Jenkins un chercheur au MIT, a confirmé cet objectif. Dans un article, il a passé en revue 40 scénarios publiés à ce jour pour décarboner l’électricité et l’économie.
Ces scénarios sont unanimes : pour éviter des niveaux cata de RC, il faut que d’ici 2050 les émissions du secteur électrique soient quasi nulles dans le monde. Concrètement la production d’électricité dans le monde doit être selon les scénarios entre 80 et 100% produite avec des énergies bas carbone.
Raison 1 : L’électricité : première cause du réchauffement climatique
Quand on regarde les émissions de tous les gaz à effet de serre, la production d’électricité est le secteur le plus émetteur. Elle représente 25% du grand total des gaz à effet de serre (13.4 Gt CO2 / 53.5 Gt CO2e en 2017).
Concentrons nous maintenant sur les émissions de CO2, le principal gaz à effet de serre. Voici les différents secteurs responsables des émissions mondiales de CO2 liées à la combustion d’énergie (donc, hors déforestation et procédés industriels voir notre vidéo “Le réchauffement climatique expliqué en trois causes”).
L’électricité, avec 40% des émissions de CO2 liées à l’énergie en 2016, arrive en tête. Elle est loin devant les transports (24%). L’électricité émet aussi le double du 3eme secteur émetteur, l’industrie et la construction (19%).
L’électricité : encore une affaire de charbon
Comment est produite l’électricité dans le monde ? Voici les données de 2018.
Au total c’est très clair : deux tiers de l’électricité du monde est produit par les énergies qui détruisent le climat (le charbon, le pétrole et le gaz) et seulement un tiers vient d’énergies “bas carbones” (les barrages, le nucléaire, l’éolien, les panneaux solaires, etc.)
Si on détaille, on voit que l’énergie qui émet le plus de CO2,, le charbon, est la première source d’électricité. Le charbon, c’est à lui tout seul 38% de la production mondiale d’électricité. Ensuite on a les centrales à gaz à 23%, elles font un petit quart de la production d’électricité.
Le charbon, qu’on imagine en France n’être qu’une énergie du passé, est encore beaucoup utilisé dans le monde – et principalement pour produire de l’électricité.
C’est vrai surtout en Chine (66.5%) et en Inde (75.3%) . Mais attention, il reste encore plein de charbon dans l’électricité en Allemagne (29%), aux US (23,5%), ou en Russie (15.9%).
Même dans l’Union Européenne, aujourd’hui en 2019, on produit encore 13.7% d’électricité avec des centrales à charbon.
Le charbon est donc loin d’appartenir au passé et explique donc comment l’électricité se retrouve à la première place des secteurs émetteurs.
Raison 2 : L’électricité est la clef de décarbonation des autres secteurs émetteurs.
Pour décarboner les transports et l’industrie, l’électricité jouera un rôle décisif.
Dans les transports, se passer du pétrole n’est possible qu’en s’appuyant sur l’électricité des batteries ou sur l’hydrogène.
Dans l’industrie, remplacer intégralement le charbon et le gaz ne sera possible qu’en utilisant la chaleur de l’hydrogène ou de l’électricité (le soleil et le bois ne convenant pas pour tous les types de chaleur industrielles).
Hydrogène et électricité sont donc des outils incontournable pour des transports et une industrie bas carbone.
Or, et c’est le point logique majeur, l’hydrogène lui-même n’est “bas carbone” que lorsqu’il est produit grâce de l’électricité elle-même bas carbone.
Par conséquent, l’électricité est la clef pour nous débarrasser du charbon, du pétrole et du gaz dans les autres secteurs économiques très émetteurs : les transports et l’industrie.
Il découle de cela que l’électricité va jouer un rôle de plus important dans la transition énergétique. Les scénarios de décarbonation étudiés dans la revue Climate change sont unanimes.
Pour avoir une chance de rester sous les 2 degrés de réchauffement climatique, la part de l’électricité dans l’énergie consommée doit passer de 19 % en 2017 à autour de 35% en 2050 pour atteindre jusqu’à 70% en 2100.
Tout ça va considérablement augmenter la demande mondiale d’électricité. Il est prévu qu’en 2100 un monde qui a réussi la transition énergétique consommera entre 2 et 5 fois plus d’électricité que le monde d’aujourd’hui.
Il faudra donc non seulement décarboner l’électricité MAIS aussi en produire en abondance,
Raison 3 : On peut le faire.
Aucun pays n’a encore réussi à décarboner ses transports, son industrie, son chauffage ou son alimentation. Mais des pays aussi différents que la Norvège, la France, le Costa-Rica, la Suède ou la Suisse ont déjà réussi à décarboner leur électricité.
Comment ont-ils fait ? Et bien, de deux grandes manières qu’on remarque très bien sur ce graphique montrant les sources d’électricité de tous ces pays.
La première manière est celle de la Norvège et du Costa-Rica. Ces deux pays s’appuient ont la chance de disposer de deux outils essentiels sur leur territoire : du dénivelé et de l’eau. Ces deux ingrédients de l’hydroélectricité leurs permettent de produire quasiment toute leur électricité avec des barrages Ca c’est la voie “décarbonation par barrages”.
Malheureusement, peu de pays dans le monde ont assez de potentiel (en dénivelé et eau) pour produire beaucoup d’électricité avec les barrages . C’est donc une option chouette mais pas généralisable.
La deuxième “route de décarbonation” c’est celle de la Suisse, la Suède et la France. Ces pays produisent leur électricité grâce à un mélange de barrages, de nucléaire et d’ENR comme les panneaux solaires et les éoliennes. Cette deuxième voie “décarbonation par un mix varié” a aussi fait ses preuves.
Donc si on utilise toutes nos options bas carbones, y’a pas de grand souci, ON SAIT DÉJÀ produire toute l’électricité d’un pays sans émettre beaucoup de gaz à effet de serre.
Où en est-on ? Un monde à la traîne.
Les données de l’AIE compilées par l’excellent “Ourworldindata” sont formelles : pour décarboner l’électricité d’ici à 2020, on a du pain sur la planche.
Depuis 1970, les énergies carbonées (charbon, pétrole et gaz) produisent toujours les deux tiers de l’électricité mondiale. La seule évolution depuis 50 ans : le Gaz a remplacé le pétrole. Ce qui n’est pas plus mal, le gaz émet un peu moins de gaz à effet de serre que le pétrole.
Par contre, il y’a une énergie dont la part n’a pas bougé, c’est le charbon. Depuis 1970 le charbon fournit toujours 40% de l’électricité mondiale.
Et les énergies bas carbone, comment ont-elles évolué ? Si on regarde les panneaux solaires et les éoliennes dont on parle beaucoup, on voit que oui, leur place dans la production d’électricité a récemment augmenté. Mais dans le même temps, la part du nucléaire a diminué. On a donc troqué une énergie bas carbone contre une autre.
Au total, la part des sources d’électricité bas carbone est moins importante aujourd’hui qu’en 1987, il y a plus de 30 ans.On l’a compris, si on veut arriver à 90%-100% d’électricité bas carbone d’ici à 2050, on a du pain sur la planche.
Une lueur d’espoir vient toutefois des pays riches.
C’est vrai de l’Union Européenne. En seulement 10 ans, la part des énergies carbonées dans l’électricité a considérablement décru.
Et c’est aussi vrai des Etats-Unis.
Durant les 10 dernières années, la part du charbon dans la production d’électricité a été divisée par 2. Le charbon a été remplacé par du gaz. C’est pas idéal mais, comme le gaz émet moitié moins que le charbon, l’électricité des USA émet un peu moins de gaz à effet de serre qu’il y’a 10 ans.
Ces “signes d’encouragements” venant des pays riches sont limités et insuffisants, mais ils ne peuvent être totalement ignorés.