L'élection présidentielle, est LE temps fort de notre vie politique. Dans cette vidéo, on va voir que le vainqueur de cette élection gagne bien plus que son siège à l'Elysée.
Pour comprendre la Vème République, il faut d’abord bien comprendre le contexte qui l’a vu naître. La Vème République a été promulguée le 4 octobre 1958. Cette Constitution fait suite, c’est évident, à la IVème République. Elle a été pensée pour remédier aux défauts de la IVème.
La IVème République était un régime parlementaire. Le Président (“René Coty, notre raïs à nous” selon OSS 117) n’y jouait qu’un rôle de représentation. Le vrai pouvoir était au Président du conseil, équivalent du Premier ministre actuel.Le Président du conseil, exactement comme le Premier ministre actuel, doit son pouvoir à la majorité des députés de l’Assemblée Nationale. Dès l’instant où le Président du conseil et son gouvernement ne sont plus soutenus par une majorité des députés à l’Assemblée Nationale, le gouvernement tombe.
Ces “motions de censures” permettaient donc aux députés (et à leurs partis) d’être les véritables “faiseurs de rois” de la IVème République.
L’élection à la proportionnelle des députés, les recompositions incessantes des alliances entre partis et les crises coloniales ont conduit à une instabilité gouvernementale inouïe.
En 12 ans d’existence, la IVème République a connu 24 Présidents du Conseil qui ont formé 22 gouvernements différents. Durant sa dernière année d’existence après mai 1957, 5 gouvernements se sont succédés pour une durée moyenne d’exercice de 59 jours ! Difficile de faire plus instable.
C’est pour empêcher une telle instabilité gouvernementale, inacceptable au coeur de la guerre d’Algérie, que s’est imposé le projet de Vème République porté par les gaullistes. La Vème République répondait à toutes les sources de l’instabilité.
Pour empêcher le règne des partis, la Vème institue un Président de la République fort. Il est rapidement (après le référendum de 62) élu par le peuple au suffrage universel, il dispose du droit de dissolution pour mettre au pas les députés.
Pour empêcher les changements incessants de majorités à l’Assemblée, exit le scrutin proportionnel. Les députés sont maintenant élus au scrutin uninominal à deux tours qui favorise immensément la constitution de majorité.
L’esprit de la Vème est donc, comme l’appelle le constitutionnaliste Philippe Raynaud dans un livre récent, un “présidentialisme majoritaire”.
Comprendre l’esprit de la Vème République en un article :
Le “présidentialisme majoritaire” défendu par Philippe Raynaud, à la radio :
https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-02-mars-2017
Ce “présidentialisme majoritaire” renouait très bien avec l’histoire constitutionnelle longue du pays. En effet, avant les constitutions parlementaires de la IIIème et IVème République (dont on vient de décrire le destin), la France a connu deux Empires – celui de Napoléon Ier et celui de son neveu, Napoléon III.
La figure du Président de la Vème République (et surtout le premier d’entre eux le Général De Gaulle, “sauveur de la patrie” ) renoue avec cette stature monarchique ou impériale.
Et lorsqu’on regarde la participation aux élections présidentielles, force est d’admettre que cette figure du “monarque présidentiel” a l’air de convenir aux Français. On s’est amusé à calculer la participation moyenne aux élections présidentielles, législatives, municipales et européennes depuis 1980. Les voici sous forme de tableau :
La participation à l’élection présidentielle est plus de 16 points supérieure à celle aux élections législatives, seule élection comparable de portée nationale. Elle est également 10 points supérieure à celle des élections municipales, pourtant réputées être prisées des Français.
La présidentielle est donc LE moment fort de politisation électorale du pays.
Sources :
https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-elections
Seulement, la présidentielle n’a pas pour unique effet de faire élire le président. Le “présidentialisme majoritaire” a une autre conséquence : celui qui gagne la présidentielle gagne toujours les législatives dans la foulée.
C’est bien simple, à chaque fois qu’une élection présidentielle a été suivie d’élections législatives, le parti du Président, le parti estampillée “majorité présidentielle” sur les affiches électorales des candidats, est sorti vainqueur. Et souvent largement.
Il y a deux raisons qui expliquent pourquoi, lorsque les législatives suivent l’élection présidentielle, les candidats “majorité présidentielle” l’emportent à chaque fois.
La première est la démobilisation des électorats défaits à la présidentielle. Ce phénomène s’observe à chaque élection. Voici un tableau montrant les votes à la présidentielle dans les 30 circonscriptions où l’abstention a le plus progressé entre la présidentielle de 2017 et les législatives de la même année.
On voit très clairement que ces circonscriptions où l’abstention a le plus progressé ont beaucoup plus voté Marine Le Pen (+ 4.1 points) et Jean-Luc Mélenchon (+1.9 points) à la présidentielle que la moyenne nationale. Cela montre donc que les électeurs de ces candidats défaits se sont plus démobilisés que les autres.
La seconde raison est la surmobilisation aux élections législatives des électeurs “vainqueurs” de la présidentielle. Voici un tableau montrant les votes à la présidentielle dans les 30 circonscriptions où l’abstention a le moins progressé entre la présidentielle de 2017 et les législatives de la même année.
On voit ici que dans ces circonscriptions qui ont le plus voté aux législatives, Emmanuel Macron réalisait des scores très élevés à la présidentielle ( +4.5 points) par rapport à la moyenne nationale. A l’inverse, dans ces mêmes circonscriptions qui ont le plus voté aux législatives, Marine Le Pen réalisait des scores très inférieurs ( – 7.7 points) à sa moyenne nationale.
On observe donc clairement, avec ces deux tableaux, la “double lame” de l’effet “majorité présidentielle”.
Les électeurs défaits se mobilisent relativement moins et les électeurs vainqueurs se mobilisent relativement plus, assurant ainsi la victoire aux législatives du parti présidentiel.
La réforme constitutionnelle de 2000 fait passer le mandat du Président de la République de 7 à 5 ans. Pour ce qui nous occupe, cette réforme a une conséquence immense. Dorénavant, les mandats de Président de la République et de députés sont alignés. Et l’élection présidentielle précède à chaque fois les élections législatives.
Avec le quinquennat donc on verrouille “pour de bon” l’effet majorité présidentielle. Il aura lieu après chaque élection présidentielle de cette nouvelle Vème République.
Ca aboutit a des conséquences bien décrites par les constitutionnalistes.
D’abord, ça transforme le rôle de l’Assemblée Nationale. Le fait d’en arrimer concrètement la composition (et, donc, la majorité) au résultat de l’élection présidentielle transforme la majorité parlementaire en une majorité présidentielle. Les députés fraîchement élus doivent leur élection à l’élan qui a porté le Président au pouvoir. Le centre de gravité de la Vème République se déplace donc un peu plus vers l’Elysée, au détriment du Parlement.
Ensuite et par conséquent, le rôle de Premier Ministre se trouve transformé.
Dans l’esprit de De Gaulle, le Président devait fixer les grandes orientations politiques et le Premier Ministre devait conduire effectivement la politique du pays en s’assurant du soutien du Parlement (et singulièrement de l’Assemblée Nationale). Avec le quinquennat, on a transformé le Premier ministre en auxiliaire du Président.
Le Président joue sa réélection sur la politique effectivement conduite et se retrouve seul “maître des horloges”. Les réunions d’arbitrage ne se passent plus à Matignon mais à l’Elysée. Avec le quinquennat, le Premier Ministre s’efface définitivement dans l’ombre du Président.
En conclusion, nous comprenons beaucoup mieux pourquoi cette Vème République quinquennale est décrite comme un “présidentialisme majoritaire”. Le peuple tranche l’orientation politique pour 5 ans lors d’une élection et une seule : l’élection présidentielle.
Cette Vème République présidentialisée, qu’on soit pour ou qu’on soit contre, il faut composer avec cette réalité : pour gagner le pouvoir et même pour la changer, il faut gagner l’élection reine, l’élection présidentielle.
Le quinquennat a tué la fonction de Premier Ministre :
Le quinquennat vue par un Constitutionnaliste :
https://www.cairn.info/revue-commentaire-2017-1-page-113.htm?try_download=1&contenu=article
A quel point les députés LREM sont inexpérimentés :