Électricité 100 % renouvelable ? Le problème de l’intermittence - Osons Comprendre

Électricité 100 % renouvelable ? Le problème de l’intermittence

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De l'électricité 100% renouvelable, sans charbon, sans gaz, et sans nucléaire : voilà un objectif majeur d'une grande partie de l'écologie politique aujourd'hui. Pour y arriver, il faut relever un immense défi : le défi de l'intermittence de la production solaire et éolienne. Dans cette vidéo, on se met au clair sur cet enjeu majeur.

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Points clés

  • Constatons l’intermittence de la production solaire et éolienne. Le solaire produit plus l’été, ne produit pas du tout la nuit, et atteint en général son maximum de production vers midi-14h. L’éolien, lui, produit plus en hiver. Il peut produire beaucoup plusieurs jours de suite, mais il peut aussi rester longtemps au calme plat.

 

  • Il y’a une certaine complémentarité des productions solaires et éoliennes à l’échelle des saisons. Cette complémentarité intersaisonnière  lisse un peu leur variabilité.

 

  • Le foisonnement géographique est aussi une réalité, contrairement à ce que disent parfois certains détracteurs du 100 % renouvelable. La variabilité du solaire et de l’éolien est moins forte au niveau d’un pays, et encore moins au niveau européen. Au niveau européen, il n’y’a jamais zéro soleil et zéro vent. Grâce au foisonnement européen, on peut compter sur au moins 10% de la puissance maximum 100% du temps.

 

  • Mais dire, comme certains  que le foisonnement géographique supprime la variabilité du solaire et de l’éolien c’est complètement faux. Il y’a des moments où il y’a peu de vent et de soleil, même au niveau européen. L’intermittence n’est pas une caricature.

 

  • La variabilité de la production solaire et éolienne est un problème, parce qu’un réseau électrique doit assurer, à chaque instant, une égalité stricte entre production consommation électrique, sinon c’est le blackout.

 

  • Aujourd’hui, les quatre principales sources d’électricité en Europe, le charbon, le gaz, le nucléaire et l’hydroélectricité sont pilotables. Autrement dit, on peut facilement régler leur production en temps réel pour l’ajuster à la consommation. Grâce à ces sources d’électricité pilotables, nous pouvons assurer 100 % de la consommation électrique européenne même les jours où il y a peu de soleil et de vent. Inversement, ces sources pilotables s’effacent pour laisser la place au solaire et à l’éolien quand ils produisent à fond les ballons.

 

  • Le défi technique du 100 % ENR, c’est de se débarrasser de trois des quatre principales sources d’électricité pilotable tout en évitant les blackout. Pour mesurer l’ampleur de ce défis, on a construit un scénario 100 % ENR très simplifié qui remplace les productions des centrales charbon, gaz ou nucléaire par du solaire et de l’éolien.

 

  • Dans ce scénario simplifié qui, sur l’année, est parfaitement équilibré, on a vu que, durant les pires semaines, il manquait plus d’un tiers de la consommation électrique européenne. De même, On a aussi vu que durant d’autres semaine, on avait un tiers d’électricité en trop. Ce problème de manque ou d’excès de production se retrouve à toutes les échelles de temps : aussi bien sur quelques heures que sur quelques jours.

Sources et références

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LA source : le maxi tableau excel de données

 

Nous devons beaucoup à “Le Réveilleur” pour la construction de cette vidéo. Il a eu l’infinie amabilité de nous passer à la fois les slides de sa vidéo sur les ENR intermittentes et leur impact sur le réseau et surtout son jeu de données !

Grâce à un ami programmeur, il est parvenu à extraire les données électriques pour tous les pays de l’UE sur le site ENTSO-E Transparency, le site du gestionnaire de réseau européen. Sur un seul tableau Excel, nous avions donc accès à la production, chaque heure de l’année 2019 (8760 lignes au total), de chaque source d’électricité pour chaque pays européen.

Ces données ont une valeur immense pour nous. C’est grâce à elles que nous avons pu construire les profils de production du solaire, de l’éolien et des deux combinées. C’est grâce à elles que nous avons pu identifier les semaines/jours/heures où ces sources fournissent la moins grande part de la consommation électrique européenne et c’est encore grâce à elles que nous avons construit notre scénario électrique 100 % renouvelable “hyper simplifié”.

Notre vidéo, vous le comprenez, doit donc beaucoup à ce jeu de données que nous a fourni “Le Réveilleur”. Nous avons décidé de vous les mettre à disposition ainsi que les divers calculs et analyses qu’on a appliqués sur ces données.

 

 LES DONNEES SONT TELECHARGEABLES ICI (30 Mo, format XLSX)

 

 

Avant les données elles-mêmes, nous vous invitons à consulter le premier feuillet “LISEZ-MOI”.

Vous trouverez dans la suite de l’article les références à ces données de la manière suivante [ Tableau : “Nom du feuillet” ].

C’est la première fois que nous procédons ainsi pour les sources nous sommes donc en demande de retours ou de suggestion sur ces données, nos analyse et notre présentation. 

 

 

Le prix de l’électricité solaire et éolienne baisse

D’après ces données de la banque Lazard, les prix de l’électricité solaire et éolienne n’arrête pas de baisser.

Lorsqu’on regarde le coût, tout compris, de l’électricité solaire et éolienne par MWh produit, on observe qu’il a considérablement chuté les 10 dernières années. Le coût de l’électricité éolienne a été divisé, en moyenne par 3.3 et celui de l’électricité solaire a été divisé par 9.

 

La variabilité de la production des éoliennes et des panneaux solaires en France.

 

Si on regarde la production de tous les panneaux solaires de France durant les mois de janvier (en bleu) et juillet (en rouge) 2019, la variabilité est évidente. Le jour, ça produit, la nuit, ça produit pas.

 

Mais la production varie aussi d’un jour à l’autre On voit dans notre exemple qu’en France la production solaire peut varier du simple au double du jour au lendemain. Regardez les 8 et 9 janvier ou les 27 et 28 juillet.

Et la production varie aussi selon les saisons. La production de juillet, en rouge, est, en gros, 4 fois plus élevée que celle de janvier, en bleu. Il fait jour plus longtemps l’été, le soleil tape avec un meilleur angle et il y a moins de couverture nuageuse.

Regardons maintenant les éoliennes. Le graph suivant vous montrer les productions de janvier et de juillet 2019 de toutes les éoliennes françaises. Même en compilant tous les régimes de vent français, on observe toujours de grandes variations de production.

On constate donc que la production peut être multiplié par plus de 7 en seulement deux jours : du 25 au 27 janvier au matin ou du 29 au 30 juillet. Il s’agit donc de variations très importantes et très rapides.

On retrouve aussi une variation saisonnière de la production éolienne. En janvier les éoliennes françaises ont produit 64 % d’électricité en plus qu’en juillet 2019. La variation saisonnière des éoliennes est une réalité mais elle est moins marquée que celle de l’électricité solaire.

 

La plus faible variation : solaire et éolien ensemble à l’échelle de l’UE.

 

Regardons maintenant le cas qui, théoriquement, devrait nous donner le moins de variations de production : la production du solaire et de l’éolien ensemble, à l’échelle de l’Union Européenne.

Nous remercions chaleureusement “Le Réveilleur” qui nous a donné ses graphiques et ses données. Le graph ci-dessus est tiré de sa vidéo en collaboration avec Mr Bidouille sur les énergies intermittentes et le réseau électrique.

 

Le graph nous montre la variabilité de la production solaire et éolienne en UE d’une manière plus évidente. La courbe et le tableaux nous enseigne pendant combien de temps sur l’année (en abscisses) nous pouvons compter sur quelle fraction de la production maximale des panneaux solaires et des éoliennes de l’UE (en ordonnées).

Vous voyez par exemple, sur le tableau à droite, que l’UE peut compter 100 % du temps sur 10 % de la production maximale solaire et éolienne. Elle ne peut compter que 33.8 % du temps (c’est-à-dire 123 jours ou 4 mois) sur 50 % de la production maximale solaire et éolienne.

Vous voyez aussi d’un simple coup d’oeil que la variabilité des productions solaires et éoliennes est moindre à l’échelle de l’Union Européenne qu’à l’échelle de la France. Nous constatons donc un “foisonnement”. Les vents de la mer du Nord, du Portugal, d’Irlande ou le soleil d’Andalousie ou de Sicile compensent l’absence de vent ou de soleil ailleurs. L’intermittence est moindre quand on augmente l’étendue géographique du système.

 

Attention toutefois, la présentation du Réveilleur masque une variabilité très importante à court terme. Voici les mêmes données que celles qu’utilisent le premier graph, mais présentées autrement.

Sur ce graphique [ Tableau “2 – Focus EolienPV UE 2019” ] , vous voyez la production solaire + éoliennes, à l’échelle de l’Union Européenne, heure par heure durant toute l’année 2019.

Sur l’année, on passe – de 13 000 MW produit  la nuit du 12 août à 136 000 Mw le 13 mars à midi. Ca varie de 1 à 10 ! Et même à très court terme, à l’échelle de quelques heures ou de la journée, on a toujours des grosses grosses variations.

 

Aujourd’hui : le règne des énergies pilotables

 

Aujourd’hui, l’intermittence des productions solaires et éoliennes ne pose aucun problème parce que ces sources sont encore minoritaires et, surtout, les autres sources d’électricité parviennent à adapter leur production en fonction de cette production intermittente.

Le solaire et l’éolien ne produisent que 16.7 % de l’électricité de l’UE en 2019.

Le gros de l’électricité a été produite par les centrales fossiles (à gaz ou à charbon), les centrales nucléaires ou les barrages hydroélectriques. Ces 4 sources assurent + 75% de l’électricité européenne.

Elles ont plein de différences, mais elles ont aussi un point commun pas très connu : elles sont toutes des sources dites “pilotables”. Pilotables, ça veut dire qu’elles produisent “à la demande”. Leur production peut varier (à la hausse ou à la baisse) en quelques secondes ou quelques minutes.

Toutes ensembles, centrales à charbon, à gaz, nucléaires et barrages permettent d’assurer facilement une égalité exacte entre la conso et la production d’électricité à chaque instant, sur tout le réseau électrique européen, malgré la variabilité des panneaux solaires et du vent.

 

Le défi du 100 % renouvelables

 

On le comprend bien maintenant : mettre en place un système électrique 100 % renouvelable représente un très gros défi technique : il va falloir assurer à chaque instant l’égalité “Production/Consommation” en se débarrassant des centrales à gaz, au charbon et des centrales nucléaires. Soit 3 des 4 principaux moyens de production pilotables.

Voici représenté schématiquement le défi de l’électricité 100 % renouvelables pour l’année 2019 à l’échelle de l’Union européenne.

Il faudra faire sans 63.2 % de l’électricité européenne et pas n’importe quelle électricité, une électricité qui produit à la demande.

 

Mesurer ce défi : retour à l’intermittence

 

Pour mesurer le défi technique que représente un système électrique du 100 % ENR, il ne faut pas simplement considérer la production solaire et éolienne. Il faut comparer cette production à la consommation – parce que, rappelez-vous, le jeu est d’équilibrer à chaque seconde consommation et production.

Et bien, toujours en utilisant les données européenne ENTSO-E heure par heure, nous avons construit un graphique qui nous montre, pour chaque heure de l’année de 2019, la part de la consommation électrique européenne que les panneaux solaires et les éoliennes ont assuré. [ Tableau “2 – Focus EolienPV UE 2019” ]

Quand on voit ce graphique, on voit que la part de l’électricité fournie par les ENR varie beaucoup. Alors qu’en moyenne sur l’année elles assurent 16,7% de la conso électrique, les énergies intermittentes ont fourni jusqu’à 36.7  % de l’électricité européenne le 17 mars à la mi journée (13-14h). Inversement, le 11 juillet en début de soirée, elles n’ont fourni que 4.3 % de la demande (11 juillet 21-22h).

 

Et si on ne regarde plus “l’heure minimum” dans l’année mais la semaine minimum, on remarque que, en 2019, la “semaine hardcore”, la semaine où le soleil et le vent ont été le plus loin de satisfaire la demande en Europe, c’était la semaine du 18 au 25 janvier. [ Tableau “3 – Trouver la semaine hardcore” et “4 – La semaine hardcore” ]

Durant 7 jours consécutifs, le soleil et l’éolien n’ont assuré que  9.5 % de la consommation. C’est pas étonnant que ce soit une semaine d’hiver, le moment où la consommation est la plus importante, et où le solaire est au minimum. Si à l’absence de soleil s’ajoute le hasard météorologique d’une absence de vent, ça peut devenir très compliqué pour les sources intermittentes.

Cette semaine de janvier 2019, ce sont donc les autres sources d’électricité, qui ont pris le relais.

Les barrages ont aidé bien sûr mais le gros de l’effort a été fourni par le nucléaire qui a assuré le quart de la consommation à lui tout seul, et par les centrales à gaz et à charbon.

Ensemble, les 3 sources d’électricité pilotables que les scénarios 100% renouvelable veulent éliminer ont assuré 67.5 % de la consommation cette semaine de janvier.

On mesure donc l’ampleur du défi lorsqu’on regarde avec attention les semaines (mais ça vaudrait des jours ou des heures) où les énergies intermittentes produisent le moins.

 

Le scénario 100 % ENR simplifié

 

Pour se faire une idée du défis du 100% renouvelable, on va construire un scénario 100 % ENR ultra simplifié.

Dans notre scénario très simplifié, on remplace toutes les centrales charbon, gaz et nucléaire par des panneaux solaires et des éoliennes. Il faut les faire passer de 16,7 à 80% de la production électrique annuelle. Les 20% qui restent, c’est les barrages principalement et les autres renouvelables (bois déchets, etc.).

Détail du calcul : Le solaire et l’éolien produisent 16.7 % de l’électricité dans l’UE. L’hydroélectricité et les autres renouvelables en produisent 20.1 %. Il faut donc faire passer la part du solaire et de l’éolien de 16.7 à 79.9 % de l’électricité produite. Pour cela, il faut multiplier la production par :
“79.9 / 16.7 = 4.78”

Faire passer le soleil et le vent à 80 % de la production européenne, ça veut dire en installer 4.8 fois plus. Dans notre scénario 100 % ENR simplifié, on installe donc 4.8 fois plus de panneaux solaires,  4.8 fois plus d’éoliennes terrestres et 4.8 fois plus d’éoliennes marines pour qu’en moyenne sur l’année elle remplacent le charbon, le gaz et le nucléaire. [ Tableau “5 – Scénario simplifié x 4.78” ]

 

Evidemment, il s’agit d’une très grande approximation théorique. En réalité, les éoliennes et panneaux solaires ne seront pas aux mêmes endroits qu’en 2019, en réalité l’interconnexion entre toutes les zones de production européenne n’est pas parfaite, en réalité aucun scénario ne remplaces les centrales non renouvelables uniquement par des panneaux solaires et des éoliennes. Malgré ces imperfections, ce scénario hyper simplifié nous permet de réfléchir au type de problème que doit surmonter un scénario 100 % renouvelables.

 

Comment ça se passerait pour notre semaine hardcore, notre semaine du 18-25 janvier 2019 avec presque 5 fois plus de solaire et d’éolien ?

Le solaire et l’éolien parviendraient à fournir 45.4 % de la demande cette semaine de janvier mais il n’empêche, même en multipliant le nombre d’éoliennes et de panneaux solaires par près de 5, un gros tiers de la demande européenne ne serait pas satisfaite.

Que représente un tiers de la demande européenne une semaine de janvier ?

Et bien ça représente exactement 24 261 GWh à produire. Pour y parvenir, il faudrait installer (en prenant l’absolu minimum) 145 GW de capacité de production. Ces centrales sont censées produire à 100 % durant l’intégralité des 168 heures de la semaine. [ Tableau “5 – Scénario simplifié x 4.78” ]

Pour vous donner une idée, ça représente la production de 110 réacteurs nucléaires EPR de 1.3 GW à pleine puissance 24h/24 pendant toute la semaine semaine.

On retrouve les mêmes problèmes à toutes les échelles de temps.

Si on regarde au niveau de la journée, dans notre scénario simplifié 100% renouvelable, le jour le plus hardcore, entre le 20 et le 21 janvier, c’est encore pire. Ce jour là il n’y aurait plus 34.6 mais 42% de la consommation européenne non couverte. Et si on regarde heure par heure, l’heure la pire, qui arrive un 2 août, on aurait carrément 58% de la conso qui ne seraient pas assurés !

Notre scénario 100 % renouvelables assure, par construction, exactement 100 % de la demande européenne sur l’année. Mais malgré ce 100 % en moyenne annuelle, l’intermittence du solaire et de l’éolien nous donne, à toutes les échelles de temps, d’énormes trous de production.

Et à d’autres moments cette même intermittence nous donnerait, à l’inverse, des surplus d’électricité.

 

Là vous avez le profil, heure par heure, de notre scénario “hyper simplifiée” où on installe 4.8 fois plus de panneaux solaires et d’éoliennes. On y voit que la semaine où on aurait le plus grand surplus d’électricité par rapport à la demande, c’est la semaine du 11 au 18 mars.

Durant cette semaine de mars, les éoliennes ont produit énormément.  Cette semaine là, notre scénario hyper simplifié produirait 38 % d’électricité en trop par rapport à la demande de 2019. [ Tableau “5 – Scénario simplifié x 4.78” ]

Cet excès d’électricité représenterait le même ordre de grandeur que le “manque” de notre semaine de janvier ( : cette semaine de mars on aurait l’équivalent de 110 EPR à pleine puissance qui produiraient de l’électricité en trop pendant toute la semaine.

Là, vous prenez vraiment la mesure du défi du 100 % ENR. Du fait de l’intermittence du soleil et du vent on peut se retrouver avec des énormes TROUS et des énormes SURPLUS d’électricité.