Le pétrole est la première énergie utilisée dans le monde
A lui seul le pétrole assure un tiers du total de l’énergie consommée par l’humanité. C’est très clair sur ce graphique, réalisée à partir des données de BP.
Le pétrole est devant le charbon et le gaz, et très très loin devant les barrages, le nucléaire, l’éolien ou les panneaux solaires.
Au passage, pétrole charbon et gaz, les 3 énergies qui détruisent notre climat, c’est encore 85% de l’énergie primaire qu’on consomme en 2018 ! Y’a du taff pour s’en passer.
Comment est utilisé le pétrole aujourd’hui ?
Pour répondre à cette question, il faut consulter les Key Energy Statisics de l’Agence internationale de l’énergie. Voici les usages du pétroles résumées en un graphique.
On comprend donc que déplacer des gens et des choses, c’est la principale utilité du pétrole. Deux tiers du pétrole qu’on sort du sol chaque année finit en carburant pour les transports.
Le pétrole est l’énergie hégémonique dans le secteurs des transports. 94 % des voitures, camions, bus, motos, bateaux et avions du monde circulent au pétrole.
Mais le pétrole n’est pas seulement utilisé comme énergie dans les transports. C’est aussi une matière première, un matériau. Le pétrole, on peut le transformer en plein de trucs, c’est le domaine de la pétrochimie.
Avec du pétrole, on fait du plastique, des textiles synthétiques – les fringues en nylon ou en polyester par exemple – mais aussi des engrais, des cosmétiques, des médocs, les détergents, les adhésifs, le caoutchouc synthétique, le bitume.
Ca fait un sacré paquet d’objets autour de nous qui sont faits en pétrole ! C’est 16 % du pétrole qu’on consomme comme matériau dans la pétrochimie.
Le stock de pétrole 1 : les ressources
Regardons maintenant les ressources en pétrole. Dans le jargon des matières premières, les ressources désignent les “ressources techniquement extractible”. Il s’agit donc du maximum de pétrole qu’on a identifié sous terre et qu’on pourrait en théorie récupérer.
Il resterait, selon des estimations récentes de l’AIE, l’Agence Internationale de l’énergie, 6165 milliards de barils de pétrole sous terre .
La production de 2018 s’élève à 35 milliards de barils. Si on divise les 6165 milliards de barils de “ressources” par les 35 produits annuellement, on obtient le formidable résultat suivant. Les ressources maximales de pétrole correspondent à 175 ans de production au rythme actuel.
Pour arriver à “175 ans de stock”, on additionne 5 types de pétroles très différents. Ce graphique en montre la répartition.
Détaillons un peu les différents types de pétrole existants.
Le pétrole conventionnel. C’est le pétrole qu’on a en tête, le liquide noir qui sort des puits du Texas dans Tintin, le pétrole des grands champs d’Arabie Saoudite. C’est le plus facile à extraire et à utiliser. L’immense majorité du pétrole qu’on a produit et du pétrole qu’on produit aujourd’hui, c’est ce pétrole conventionnel.
Les liquides de gaz. Quand on extrait du gaz, y’a une partie de ce gaz qui n’est pas du gaz naturel “classique”, le méthane.
Ces autres gaz un peu plus lourds, éthane, propane et butane, ils sont gazeux sous le sol mais ils se condensent en liquide soit quand ils remontent à la surface, soit en les mettant un peu sous pression. Ces “hydrocarbures liquides” condensés à partir de gaz“, on les assimile alors à du pétrole.
Mais, ils sont différents du pétrole conventionnel. On ne peut en utiliser qu’une petite partie (environ ⅓) pour faire des carburants pour les transports parce qu’ils sont trop légers. On les utilise donc surtout en pétrochimie, notamment pour faire des plastiques.
Les pétroles de schistes. Ce sont des pétroles qu’on ne retrouve pas dans de grandes réservoirs mais plutôt en petites poches, prisonnières de la roche.
Eux, leur problème, c’est qu’ils sont durs à extraire. Pour aller chercher ces petites poches de pétroles, il faut fracturer la roche avec des gaz à haute pression. Ce procédé occasionne, en plus des pollutions, de nombreuses fuites de gaz qui sont autant de gaz à effet de serre en plus.
Si on compte ces fuites de méthane, ces pétroles de schiste sont bien plus néfastes pour le climat que les pétroles conventionnels.
Les pétroles super lourds (bitumes ou sables bitumineux). Des sables bitumineux, c’est du bitume – mélangé à du sable. Il faut utiliser beaucoup d’énergie pour aller le chercher et surtout pour transformer ces sables bitumineux en quelque chose d’utilisable. Beaucoup d’eau et de produits chimiques sont nécessaires pour séparer le bitume des sables et transformer le bitume en pétrole “ordinaire”. On trouve ces sables bitumineux principalement au Canada et au Venezuela. Au Canada où ces pétroles sont exploités, on se rend compte qu’il s’agit d’un des pires pétroles possibles. Il émet presque autant de gaz à effet de serre que le charbon, qui est la pire des énergie pour le climat.
Le kérogène. Avec le kérogène, on parle à peine de “pétrole”. Le kérogène, c’est de la matière organique fossile qui n’est pas encore été complètement transformée en pétrole par la pression et la température terrestre. C’est du bébé pétrole si vous voulez. C’est presque un abus de le compter dans les ressources en pétrole.
Pour en apprendre davantage sur tous les types de pétroles, nous vous recommandons chaleureusement la vidéo du Réveilleur sur le pic pétrolier.
Le stock de pétrole 2 : les réserves
Les réserves de pétroles désignent le stock de pétrole exploitable dans des conditions techniques et un prix donné. Il s’agit donc du pétrole rentable et sortable aujourd’hui.
L’AIE nous donne, à la page 754 de son World Energy Outlook 2019, les “réserves prouvées” (proven reserves) de pétrole fin 2018
L’AIE estime donc le stock de pétrole rentable et exploitable aujourd’hui à 1 700 milliards de barils. Ce stock, divisé par la production annuelle (35 mds de barils), nous apprend que le monde dispose de près de 50 ans de réserves de pétroles au rythme de production actuel.
Ces estimations de l’AIE sont cohérentes avec celle du géant pétrolier BP dans sa Statistical Review of World Energy.
Il est important toutefois de noter que ces réserves de pétrole sont surestimées. Si l’on en croit le consensus parmi les géologues, les Etats pétroliers surestiment les réserves de pétrole afin de justifier des niveaux de production élevés.
En outre, le niveau des réserves déclarées est trop remarquablement constant pour être honnête. Cela se voit très bien sur ce graphique.
On y voit que les réserves déclarées par l’Arabie-Saoudite, les Emirats Arabes Unis ou le Koweït n’ont pas bougé depuis 1985. Même après 35 ans de production importante, le stock de pétrole dont dispose ces pays n’a pas bougé.
Pour plus d’information à ce sujet, nous vous invitons à consulter cet article très clair, mais, malheureusement, en anglais.
L’EROI ou taux de retour énergétique
Le taux de retour énergétique permet de mesurer combien d’énergie on perd juste pour produire l’énergie qu’on va pouvoir utiliser.
Prenons tout de suite un exemple. Si, en comptant l’énergie utilisée pour forer, raffiner, et transporter le pétrole avant de pouvoir l’utiliser, il faut investir en moyenne 1 baril de pétrole pour en récupérer 20 qu’on va pouvoir utiliser, alors l’EROI est de 20. Si on en récupère que 4, l’EROI est de 4.
Plus l’EROI est élevé, plus on récupère facilement de l’énergie, et mieux c’est. Ce graphique illustratif le montre très bien.
Toute la question est : quels sont les EROI des différents pétroles qui constituent les réserves et ressources de pétrole ?
Avant d’y répondre, notons que les estimations d’EROI sont incertaines et varient considérablement selon les méthodologies. Les EROI qu’on donne ici sont des “ordres de grandeurs” tirés d’une métanalyse de 2014 (donc assez ancienne dans ce champs intellectuel qui évolue rapidement). Voilà le tableau récapitulatif de ses résultats.
On y voit (assez mal je vous l’accorde) que l’EROI de la filière pétrole-gaz en général est à 20, celui du pétrole de schiste US serait autour de 8 et celui des sables bitumineux autour de 4.
Cela veut donc dire que les pétroles non-conventionnel fournissent beaucoup moins d’énergie à la société. Reportons-nous au graphique illustratif des EROI (plus haut en bleu/jaune). On y voit qu’un EROI de 8 (comme le schiste US) rapporte 87.5% d’énergie à la société par unité d’énergie investie. Un EROI de 4 lui n’en rapporte plus que 75%. Ces chiffres sont à comparer à l’EROI de 20 du pétrole-gaz actuel, qui rapporte 95% d’énergies à la société par unité d’énergie investie et à l’EROI actuel de 35 du champ pétrolier géant saoudien de Ghawar qui, lui, fournit plus de 97 % d’énergie à la société pour un baril investi.
ALLER PLUS LOIN : Une autre source récente très détaillée sur le pétrole, son pic et surtout ses EROI tp.186 et sq.) est fournie par un rapport de l’institut géologique finlandais “Oil from a Critical Raw Material Perspective”. Nous le recommandons fortement aux personnes qui veulent aller plus loin et creuser le sujet.
Le robinet 1 : le pétrole conventionnel a atteint son pic en 2008
L’Agence internationale de l’énergie est formelle : la production de pétrole conventionnel a atteint son pic, son maximum historique, en 2008.
Elle va maintenant lentement décroître. Cela se voit bien sur ce graphique qui récapitule les productions de pétroles de 1980 à 2018.
Depuis 2008, la production de pétrole conventionnel a atteint un plateau sous son maximum historique à 70.6 millions barils jour.
Pour 2018, la dernière année disponible : on en a produit 67.1 millions barils jour.
On constate donc une chute de -5% en 10 ans de la production du meilleur pétrole disponible, le pétrole conventionnel.
Le robinet 2 : un manque de pétrole dès 2025
La production de pétrole pourrait ne pas suivre la demande et le précieux or noir pourrait manquer dès 2025.
C’est le sens d’une alerte qu’a lancé l’AIE en 2018. Cette communication porte un titre sans équivoque possible : “Vers une pénurie de l’offre de pétrole ?”. L’inquiétude de l’AIE se voit très bien sur ce graphique :
Dans cette communication, l’AIE note que, d’ici à 2025, les puits de pétroles exploités ajd vont peu à peu s’épuiser. Pour que la demande de pétrole reste satisfaite, il est indispensable que des nouveaux puits de pétroles, conventionnel ou non, prennent le relais et remplacent les anciens.
L’AIE fait même le calcul En 2025, il faudrait que ces “nouveaux puits” produisent 35 millions de barils jour, soit 1/3 de la demande grosso modo
Et c’est là que l’AIE sonne l’alarme : Il ne se construit pas assez de nouveaux puits et ça sent pas bon pour 2025.
1) C’est vrai du pétrole conventionnel, qui ne suit pas du tout le rythme nécessaire. On ne met pas assez de nouveaux puits de pétroles conventionnels en production.
2) Et c’est tout aussi vrai si on regarde les pétroles de schistes. Au lieu d’exploser pour prendre le relai, les investissements se mettent à stagner depuis 1 an ou 2 (AIE 2018), dans une industrie du schiste qui n’a jamais été vraiment rentable. Donc, en gros, l’AIE nous dit qu’ il est peu probable qu’on puisse compter sur le schiste pour “assurer”.
Voilà pourquoi l’AIE avertit le monde entier en 2018 : s’il n’y a pas des investissements massifs dans des nouveaux conventionnels et dans du schiste US – il manquera des millions barils/jours en 2025 ! Oui oui, dans 5 ans le monde pourrait manquer de pétrole
Le robinet 3 : inquiétude sur le conventionnel en 2040
Regardons les estimations de production pétrolière en 2030 et 2040 que réalise l’AIE.
Nous attirons votre attention sur le pétrole conventionnel. Même si la production décline petit à petit, il est toujours prévu que, en 2040, 60 % du pétrole mondial soit du conventionnel. L’inquiétude c’est que les champs pétroliers actuels vont rapidement décliner.
C’est très clair sur ce graphique. En 2040, l’AIE prévoit que les champs de pétrole exploités actuellement, en bleu foncé ne produiront plus que 40% de ce qu’ils produisent aujourd’hui en 2018.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, quelques dizaines de grands champs pétroliers font une grande partie de la production mondiale. Le plus grand champs pétrole d’arabie saoudite, Ghawar assure à lui seul aujourd’hui environ 7% de la prod mondiale. Et ces puits géants de pétrole conventionnels, ils commencent à se faire vieux et à produire de moins en moins. Ghawar, par exemple, est passé de 5 millions de barils/j à 3,8 aujourd’hui (p.207)
Il faudra “trouver” un sacré paquet de nouveaux puits plus petits pour compenser le déclin des anciens et remplir toute la partie en bleu clair
Le problème c’est que du pétrole conventionnel on en trouve de moins en moins.
Quand on regarde l’historique des découvertes de pétrole conventionnel, on voit que le maximum des découvertes a été dans les années 1960 et qu’on en trouve, depuis, de moins en moins.
Il est donc possible que la production de pétrole conventionnel diminue encore plus vite que le prévoit l’AIE. Ce qui rend l’hypothèse d’une “contraction de l’offre de pétrole” ou, plus trivialement, d’une pénurie de pétrole encore plus sérieuse.