De l'eau courante à Netflix, l'énergie, on en parle peu mais on lui doit beaucoup. Enfin, surtout à certaines, les prodigieuses (et émettrices) énergies fossiles.
Pour connaître les différentes sources d’énergies et la quantité totale d’énergie consommées dans le monde, nous nous basons sur le travail de compilation de l’excellent site de vulgarisation anglophone ourworldindata .
Voici le graph que nous utilisons dans la vidéo :
Ce graphique superpose, depuis l’an 1800 jusqu’à 2017, la quantité d’énergie consommée dans le monde en distinguant chaque source d’énergie primaire : le bois (traditional biofuels) d’abord, puis le charbon (coal), puis le pétrole (crude oil), puis le gaz naturel (natural gas), les barrages hydroélectriques (hydropower), le nucléaire (nuclear), les éoliennes (wind), les panneaux solaires photovoltaïques (solar) et les autres sources renouvelables (biomasse etc. other renewables).
Pour reconstituer ces séries longues, le site ourworldindata a compilé deux sources de données.
Pour les données d’après 1965 – à l’exception de la biomasse – le site compile les données énergétiques fournies par la compagnie pétrolière anglaise British Petroleum (BP). BP fournit chaque année depuis les années 60 une Statistical Review of World Energy qui fait référence dans le monde. Ce sont ces Review annuelles que Ourworldindata a compilé pour fournir les données postérieures à 1965.
Pour toutes les statistiques antérieures (1800 – 1965), le site se base sur le travail qui fait autorité de l’historien de l’énergie Vaclav Smil. Il a consacré toute son oeuvre à mieux comprendre les évolutions longues des productions et usages de l’énergie. La seconde édition de 2016 de son livre Energy Transitions : Global and National Perspectives a été utilisée pour trouver toutes les données énergétiques antérieures à 1965.
Le graphique s’appuie également sur le travail de Smil pour les données concernant les traditional biofuels, c’est-à-dire le bois, les bouses et tourbes utilisés traditionnellement pour se chauffer. Ses travaux d’historiens de l’énergie font autorité sur la question – notamment son Biomass Energies: Resources, Links, Constraints de 1983. Ourwoldindata a donc jugé ses estimations les plus récentes plus précises que celles de BP.
Concentrons-nous à présent sur les énergies consommées aujourd’hui dans le monde. En nous basant sur les données d’Ourwoldindata – et donc de BP – le mix énergétique mondial, en 2017, ressemble à ce tableau :
On le voit, les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) représentent 87.15 % de l’énergie primaire consommée dans le monde en 2017 selon les données de BP. Cela veut donc dire que toutes les machines que nous utilisons consomment à 87.15 % des énergies fossiles – charbon, pétrole et gaz – pour fonctionner.
Si vous voulez garder un ordre de grandeur en tête à partir de ce tableau, vous pouvez retenir que :
Si l’on pense à la nécessité de décarboner nos économies pour limiter la catastrophe climatique, ces chiffres donnent le vertige. En 2017 dans le monde, seul 12.85 % de l’énergie primaire consommée est dite “bas carbone”. Nous attaquer aux 87.15 % fossiles, voilà la tâche immense que représente la transition énergétique.
Malheureusement, la part des énergies fossiles dans la consommation mondiale d’énergie primaire est extrêmement stable depuis 1973. C’est tout à fait visible sur ce graphique produit par nos soins à partir des données Ourworldindata – BP :
Depuis 1973, c’est-à-dire depuis 45 ans ( !!!! ), les énergies fossiles représentent autour de 85 % de l’énergie primaire consommée dans le monde. La récente prise de conscience du péril climatique n’y change rien. A partir de 2006, la part des fossiles est passé au-dessus des 86 % pour culminer aux 87.15 % de 2017. Bref, on est pas sortis de l’auberge …
Peut-être êtes-vous tombés sur une estimation un peu différente de la part des énergies fossiles dans le mix énergétique mondial.
Beaucoup d’articles de presse ou de conférenciers affirment que “les énergies fossiles, charbon pétrole et gaz, fournissent autour de 80% de l’énergie mondiale”. Ces chiffres proviennent d’une source différentes des chiffres de BP. Ils proviennent de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE ou IEA en anglais). Nous vous reproduisons ici le graphique donnée par l’AIE pour les années 1990 – 2017.
On remarque que, si on somme le charbon, le pétrole et le gaz pour l’année 2017, ces énergies fossiles fournissent 81.1 % des énergies figurant sur le graphique. Un chiffre assez éloigné des 87.15 % cités plus haut à partir des données de BP.
Notons d’abord que BP et l’AIE cherchent à compter la même chose : la quantité d’énergie primaire mobilisée dans le monde. L’énergie primaire, c’est l’énergie telle que contenue “dans la nature”. C’est le pétrole brut de la mine, le gaz ou le charbon du gisement, le bois ou n’importe quoi qui se brûle. C’est le potentiel énergétique contenu dans l’atome d’uranium 235 que le réacteur nucléaire fissionne, c’est l’énergie contenue dans les éléments, le vent, le soleil, les marées, la chute de l’eau dans une rivière ou un barrage. Tout ça, c’est l’énergie primaire et c’est ce que cherchent à compter BP et l’AIE..
Pourquoi alors une telle différence entre les chiffres des deux institutions ? Parce que BP et l’AIE cherchent à compter l’énergie primaire mais chacune de manière différente.
BP compte la “Consommation mondiale d’énergie primaire” alors que l’AIE compte la “Production mondiale d’énergie primaire”. Cela revient à aborder chaque source d’énergie primaire OU à la sortie de la mine, du réacteur ou de la turbine (approche production de l’AIE) OU à partir des activités de transformation (raffineries) et de distribution (oléoducs, réseaux gaz) en incluant les pertes à chacune de ces étapes (approche consommation de BP).
Il s’agit donc de deux manières de compter la même chose : la quantité d’énergie (convertie en chaleur) contenue dans chacune des sources primaires d’énergie (fossiles, nucléaires, eau, vent, soleil, biomasse).
La différence entre les deux comptes est particulièrement visible pour la part relative des fossiles (+ 6.05 points en faveur de BP) et pour celle de l’énergie nucléaire ( + 3.2 points en faveur de AIE) dans les mix énergétiques.
Pour comprendre le détail de telles différence, il faut entrer encore plus finement dans les méthodologies des deux institutions. Un exemple pour vous donner une idée : le nucléaire. Pour le nucléaire, la différence s’explique par le fait que BP compte l’électricité produite par les réacteurs nucléaire alors que l’AIE compte la chaleur générée par le réacteur nucléaire lui-même. Cette chaleur générée est en, grande, partie perdue lors de la génération d’électricité. Cela explique donc que les chiffres AIE soit plus élevés que ceux de BP, qui excluent les pertes de chaleur pour ne compter que l’électricité.
Le graph d’Ourwoldindata :
Le dernier Statistical Review of World Energy de BP, édition 2019 :
Le livre de Vaclav Smil :
Les chiffres AIE (taper “TPES” dans la barre de recherche) :
https://www.iea.org/statistics/
Méthodo AIE :
https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/statistics_manual.pdf
Méthodo BP :
La densité énergétique c’est le contenu en énergie thermique (en chaleur) d’une source d’énergie, mesurée par volume (par litre, mètres cubes etc) ou par masse (kilo, tonne). C’est donc un excellent moyen de mesurer à quel point une énergie est pratique à utiliser. Que vous réfléchissiez par volume ou par masse, les énergies fossiles sont beaucoup plus denses que l’énergie concurrente de l’époque : le bois.
Ce tableau donne les ordres de grandeur approximatifs du surcroît d’énergie par masse (kilo) et par volume (litre) de chaque énergie fossile par rapport au bois.
Il s’agit évidemment de mesures approximatives, destinées à faire comprendre l’ordre de grandeur. Il existe différents types de bois, séchés différemment de même qu’il plusieurs types de charbons, plusieurs manières de raffiner le pétrole et plusieurs types de gaz naturels. Il s’agit donc d’approximations, mais elles sont essentielles pour comprendre à quel point le bois ne pouvait pas lutter contre les fossiles.
Au-delà même de la supériorité de l’état liquide sur l’état solide pour le moteur à explosion, vous pouvez vous contenter d’un réservoir de 10 l de pétrole pour retirer la même énergie que 34 l de bois ! Pareil pour le charbon, il vous faut 2 fois moins de péniches à acheminer vers l’usine pour retirer la même quantité d’énergie. Le bois ne pouvait donc pas lutter contre cette densité énergétique.
Regardez aujourd’hui, le litre d’essence coûte, avec plus de 80% de taxes, autour d’ 1.5 € ! Avec 10 litres, donc avec autour de 15 €, vous pouvez vous déplacer sur des centaines de kilomètres. Ca, c’est aujourd’hui.
Regardons hier. Pour illustrer à quel point les fossiles étaient moins chers que le bois dès le XIXè siècle, nous vous invitons à consulter un article scientifique d’un économiste de la London School of Economics spécifiquement sur le cas anglais. Le graphique ci-dessous montre les prix (en £ de l’an 2000) du bois et du charbon en Angleterre pour une même quantité d’énergie (ici l’unité est la “tonne équivalent pétrole” qui désigne l’énergie dégagée par la combustion d’une tonne de pétrole).
Ce graphique montre clairement que le charbon s’est développé (à partir de 1800) dans un contexte où il était deux fois moins cher (en incluant des taxes représentant jusqu’à 30% de son prix) que le bois en Angleterre. Il était tellement peu cher qu’il a même tué la concurrence avant la fin du XIXème siècle.
Pourquoi une telle différence de prix ? Le bois énergie vient des forêts. Ces dernières sont souvent loin des ville, elles doivent être entretenues, il y est difficile d’abattre les arbres et de déplacer les troncs, le bois doit ensuite être séchés et taillé en scierie avant d’être transporté jusqu’à son lieu de consommation finale, souvent la ville. On comprend bien que toutes ces opérations nécessitent du temps, des hommes et bien des tracas. En comparaison, même les affreuses mines de charbon semblent beaucoup plus simple. Surtout qu’il suffit d’un kilogramme de charbon pour produire l’énergie de deux kilogrammes de bois.
Cette logique décrite ici pour le bois et le charbon vaut encore davantage pour les énergies plus denses et plus facilement extraites et transportées que sont le pétrole et le gaz. Comment voulez-vous qu’une exploitation forestière soit compétitive par rapport à un puit de pétrole “classique » (où le pétrole jaillit par milliers de litres) et un oléoduc (qui le déplace sans efforts), surtout quand le pétrole est 3 fois plus dense ?
Ce prix extrêmement modique des énergies fossiles a permis leur essor et la généralisation du confort moderne. Le même article anglais donne ici, en bleu clair, les prix du transport de marchandise en Angleterre sur longue période.
On y voit clairement à partir des années 1820 que la chute des prix du transport de marchandise (en bleu ciel) accompagne la chute des prix de l’énergie nécessaire à ce transport (en noir). Cette chute est prodigieuse, les prix ont été divisé par 7 entre 1800 et la seconde guerre mondiale !
Ce qui vaut des transports vaut pour le chauffage, les prix alimentaires, le prix de l’électricité, de l’industrie et toutes les composantes du confort moderne. La massification des énergies fossiles abondantes et bon marché a complétement bouleversé tous les domaines de la vie des hommes.
Densité énergétique :
Charbon moins cher que bois à Londres dès 1800 (p.12 et p.20 pour les graphs) :
http://www.lse.ac.uk/GranthamInstitute/wp-content/uploads/2014/06/LREnergyPricesREEP2011.pdf
Ce graphique de l’Institut National des Etudes Démographiques (INED) est parfait pour comprendre l’explosion de l’espérance de vie en France. Nous vous le livrons ainsi que sa présentation extrêmement clair par le site de l’INED.
“Ce graphique présente l’évolution de l’espérance de vie à la naissance en France, de 1740 à 2012. L’axe horizontal couvre les 260 dernières années, depuis le milieu du XVIIIe siècle. L’espérance de vie calculée pour une année représente la durée de vie moyenne d’un groupe de personnes qui seraient soumises, âge après âge, aux conditions de mortalité de l’année : entre la naissance et le premier anniversaire, elles connaîtraient le risque de décéder des individus de moins d’un an cette année-là, entre 1 et 2 ans, le risque de décéder des enfants de cet âge la même année, etc.”
La mortalité infantile mesure la probabilité qu’a un nourrisson de mourir au cours de sa première année de vie. Pour mesurer à quel point cette mortalité a décliné, nous vous proposons de jeter un oeil à ce graphique issu d’un article scientifique d’un démographe publié dans le revue Population :
On le voit, en 1800, la mortalité infantile était supérieure à 200 pour 1000. Dit autrement, un enfant né en 1800 en France avait plus de 20 % de chances de décéder durant sa première année de vie. Aujourd’hui, moins de 4 enfants pour 1000 (0.4 %) décèdent au cour de leur première année de vie.
Au passage, vous notez que la mortalité infantile est toujours plus élevée pour les garçons que pour les filles. Et oui, n’en déplaise aux virilistes bas du front, dans l’espèce humaine les garçons sont des fragiles ! 🙂
L’article de la revue Population :
https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1975_hos_30_1_15697
Un bel article de l’INED sur la question :
https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/la-mortalite-infantile-en-france/
La fécondité se mesure généralement par le nombre moyen d’enfants par femme. Le graphique ci-dessous est issu lui aussi d’une étude excellente de l’INED.
Il montre qu’en France (courbe bleue) les femmes de 1800 avaient 4.5 enfants en moyenne. On voit bien comment le développement économique des XIXème et XXième siècle a permis de faire baisser ce taux autour de 2 enfants par femme aujourd’hui.
L’étude de l’INED :
https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19155/487.fr.pdf
La mortalité maternelle c’est la probabilité de mourir à l’occasion d’un accouchement. En 1800, la mortalité maternelle en France était autour de 10 pour 1 000 naissances. Ce taux de 1 % représente donc 4.5 % de chances de mourir pour les femmes qui, en 1800, avaient en moyenne 4.5 enfants au cours de leur vie.
Aujourd’hui, la mortalité maternelle en France est à 10 pour 100 000 naissances (soit 0.1 pour 1000 naissances ou 0.01 %) , dont, et c’est important de le noter, 56% de décès “évitables” selon l’Institut National de Veille Sanitaire.
Mortalité maternelle en France autour de 1800 (p.4) : https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1983_num_38_6_17819
Mortalité maternelle aujourd’hui : https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2017/mortalite-maternelle-la-baisse-amorcee-des-deces-par-hemorragie-se-confirme-mais-des-inegalites-demeurent
En 1800, une immense partie de la population française dépendait directement de l’agriculture. 77 % des Français habitaient les campagnes, 66 % des ménages français dépendaient de l’activité agricole pour vivre. L’agriculture était le premier – et de très très loin – vivier d’emploi. L’historien rural Paul Bairoch estime qu’en 1830, plus de 60 % des hommes travaillent dans l’agriculture.
Aujourd’hui, seuls 2.8 % des actifs travaillent dans l’agriculture. La proportion a été divisée par 20 depuis 1800, tout ça grâce aux carburants fossiles et aux machines qui ont permis l’explosion de la productivité agricole !
Sources 1800 :
https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_1977_num_91_1_3127
https://www.persee.fr/doc/ecoru_0013-0559_1988_num_184_1_3884
Sources aujourd’hui :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1906677?sommaire=1906743
Bonus : qu’est-ce que la campagne aujourd’hui ?
Le régime alimentaire paysan dans la France de 1800 ne fait pas particulièrement rêver – peu de variété, peu de graisses, pas de viandes. Voici la description qu’en donne l’historienne de la ruralité Rolande Bonnain-Moerdijk.
Nous vous reproduisons aussi un paragraphe magnifique sur le pain, issu du même article d’Etudes Rurales.
“ Le pain, bis ou noir, occupe une place très importante, tant symbolique que nutritionnelle. Celui de froment reste réservé aux gens aisés et la production de grain noble est vendue. Dans le Forez, le premier moulin qui sépare le blé du son est construit en 1879 seulement. Pour le pain ordinaire, les mélanges varient selon les régions. En Savoie, il reste de seigle mêlé à l’orge et aux pommes de terre, la farine de fève ayant disparu la première. En Bretagne, l’orge y est associée au seigle et au froment, sauf dans les terres pauvres où il est de seigle uniquement. Dans le Sud- Ouest comme en Saône-et-Loire, il est mêlé de maïs. La cuisson du pain se fait dans le four familial tous les huit ou quinze jours mais, dans les Alpes- Maritimes, le four communal est utilisé jusqu’en 1905. En Savoie, la cuisson n’a lieu que tous les six mois. En Ille-et- Vilaine, c’est un fournier qui s’en charge (un pour dix fermes environ). Partout, elle donne lieu à une cérémonie marquée par la confection de galettes, faites de pâte à pain légèrement améliorée de graisse ou de lait, qui permettent d’attendre que le pain soit prêt à être consommé. Aliment de base, il ne couvre pas les besoins familiaux en céréales. On l’économise en lui substituant des crêpes fines ou épaisses qui ont l’avantage de ne demander que peu de combustible, peu de temps de préparation et de cuisson, et un matériel rudimentaire. Leur confection ne nécessite qu’un simple tour de main facile à acquérir alors que le pain, qui doit pouvoir se conserver entre deux fournées, est l’aboutissement d’une longue suite d’opérations exigeant beaucoup d’énergie et de savoir- faire.
Autres préparations à base de céréales, les bouillies. Elles occupent encore une place très importante dans le système alimentaire, comme en témoigne le nombre élevé des termes les désignant en fonction de la graine utilisée et du liquide de cuisson. Les restes de bouillies, cuits et refroidis seront découpés en morceaux, frits avec un peu de saindoux pour le prochain repas.
Dans les régions à sols acides, on mange beaucoup de châtaignes blanchies dont la préparation, précédée de nombreuses manipulations, s’est faite au cours des longues veillées.”
L’article d’Etudes Rurales : https://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1975_num_58_1_2019
Pour vous faire une idée de ce que représentaient les moissons au XIXème siècle, nous vous reproduisons ici un extrait d’un texte d’Auguste Diot. Dans ce texte écrit aux alentours à la fin des années 1920, cet ancien cultivateur de la Brie raconte ses souvenirs de moissons. En voici un extrait :
“Avant l’emploi, aujourd’hui généralisé, des machines agricoles, c’est-à-dire il y a une trentaine d’années, le fauchage et le moissonnage se faisaient à bras d’hommes. Il y a soixante-dix ou soixante-quinze ans, tous les grains étaient battus au fléau. Ces divers travaux étaient effectués à la tâche, les faucheurs et les moissonneurs étant payés d’après le nombre d’arpents coupés par eux ; les batteurs en grange suivant le nombre de boisseaux de grain qu’ils avaient battus. Le fauchage étant terminé à l’époque du battage, les faucheurs devenaient ordinairement des batteurs à l’automne et en hiver.
La moisson qui se faisait à la faucille (soyage) il y a quatre-vingts ans, puis ensuite à la faulx (piquage), la moissonneuse-lieuse n’ayant complètement remplacé le piquage que depuis vingt-cinq ans environ, la moisson était effectuée par eux-mêmes chez les petits cultivateurs et, dans les exploitations plus importantes, par des vignerons soit du pays, soit de la Champagne (de l’Aube) ou de la Basse Bourgogne qui avaient l’habitude de quitter chaque année leur pays pour venir faire la moisson en Brie, plusieurs étant accompagnés de leurs femmes.
La moisson étant le travail le plus urgent et le mieux rétribué de l’année, la plupart des gens d’un métier autre que la culture dans les villages, l’abandonnaient pendant un mois pour se livrer à ce travail, tels les maçons, les charpentiers, les menuisiers, étant aussi dans l’obligation de ne pouvoir pratiquer leur métier ordinaire pendant ce temps, puisque les cultivateurs, entièrement absorbés par leurs travaux de moisson, ne pouvaient s’occuper de charrier les matériaux dont ces artisans ont continuellement besoin là où ils opèrent. Les cantonniers des routes, eux-mêmes, avaient un congé d’un mois, donné par leur administration pour leur permettre également d’aider à la moisson.
Les moissonneurs (dits moissonneux) étaient au travail avant l’aube, ayant emporté leur déjeuner qu’ils mangeaient vers sept heures. A onze heures on leur apportait, de la ferme, dans le champ, leur dîner consistant en soupe, pain, viandes variées, mais souvent le pot-au-feu, c’est-à-dire bœuf, porc et choux ensemble, fromage et salade, un litre de vin du pays par personne et de l’eau dans de grosses bouteilles en grès. Après dîner, les moissonneurs se reposaient pendant une heure, à l’ombre de gerbes mises debout, puis ils reprenaient leur travail. Au goûter de quatre heures, on mangeait les restes du dîner, mais surtout du fromage. Dans certaines fermes on ne donnait, comme nourriture, que la soupe et la pitance, c’est-à-dire le pain et le vin non compris que les moissonneurs se procuraient eux-mêmes. Les moissonneurs habitant la localité n’étaient ordinairement pas nourris par l’employeur.
Les moissonneurs ne quittaient le travail qu’à la nuit complète (à la raide nuit, selon l’expression). Ils soupaient de soupe au lait et de charigot, de miroton ou autres mets et légumes variés. Ils couchaient dans les greniers sur des lits étendus sur le plancher, les jeunes dans le foin ou la paille.”
Source :
https://chapellerablais.pagesperso-orange.fr/site%20archives/html-docs/docs-patois-moissons.htm
Le canal de Suez a été percé entre la Mer Rouge et la Mer Méditerranée pour raccourcir la route des Indes – plus besoin de contourner l’Afrique par le Sud. C’est la France qui a obtenu la concession pour ce colossal travail.
Les 163 kilomètres de voies navigables ont été creusés dans les années 1860 (1859-1869) par 1.5 millions d’Egyptiens. Ce n’était pas des travailleurs “classiques”, ils effectuaient la “corvée” réglementaire, un espèce de travail forcé d’intérêt général qui ressemblait à s’y méprendre à de l’esclavage.
Ils étaient 20 000 à travailler en même temps, souvent à la pioche, parfois avec de simples bâtons. La compagnie ne leur fournissait ni matériel ni, trop souvent, le nécessaire pour vivre. Des milliers de ces “esclaves” sont morts d’épidémies ou d’accidents durant la construction. Si vous voulez vous informer sur cette horreur de l’histoire récente, nous vous recommandons le documentaire Arte en source.
Lorsqu’on se concentre, comme ici, sur ce que l’énergie a changé à notre monde, on peut comparer le million et demi d’Egyptiens mobilisés pour les 163 km du Canal de Suez avec les 1 500 Suisses et Italiens qui ont percés les 150 km de galeries du tunnel ferroviaire dit “Base Saint-Gothard”. La construction de ce tunnel percé sous 2 500 mètres de roches a également pris 10 ans. Seulement grâce à des immenssisimes tunneliers fonctionnant à l’électricité, il a fallu 1 000 fois moins d’hommes que pour Suez.
Le documentaire Arte sur Suez :
https://www.youtube.com/watch?v=joDHHrWRL6E
Le Tunnel base Saint-Gothard :
Evidemment, l’utilisation massive des énergies fossiles et l’explosion du nombre de machines autour de nous se sont traduites par une explosion de la productivité par tête.
La productivité mesure la quantité produite (mesurée en tonne ou en valeur) par une unité productrice (par travailleur, par machine etc.). Couramment, la productivité désigne le plus souvent la productivité des travailleurs. Celle-ci s’obtient en divisant le PIB par le nombre de travailleurs.
En voici une série sur longue durée reconstituée à partir des données de la Banque de France.
Source :
http://www.longtermproductivity.com/interact.php#graph
Pour comprendre l’importance cruciale du lave-linge pour libérer du temps aux femmes, quoi de mieux que ce témoignage du médecin épidémiologiste suédois Hans Rosling. Il décrit son enfance dans la Suède des années 1950’s et l’émerveillement de sa mère et de sa grand-mère devant l’irruption de la machine à tambour. Ci-dessous un lien vers sa conférence Ted avec la transcription en français.
Source :
https://www.ted.com/talks/hans_rosling_and_the_magic_washing_machine/transcript?language=fr