La présidentielle : l'élection qui compte DOUBLE - Osons Comprendre

La présidentielle : l'élection qui compte DOUBLE

L'élection présidentielle, est LE temps fort de notre vie politique. Dans cette vidéo, on va voir que le vainqueur de cette élection gagne bien plus que son siège à l'Elysée.

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Points clés

  • L’élection présidentielle est LE moment fort de la vie politique française. Avec 80.1 % de participation moyenne, aucune élection ne mobilise davantage les électeurs.
  • A chaque fois que des élections législatives ont eu lieu dans la foulée d’une présidentielle, le parti du Président les a gagnées haut la main.
  • C’est l’effet « majorité présidentielle » : la démobilisation des électeurs défaits et la surmobilisation des électeurs vainqueurs de la présidentielle.
  • La cohabitation, un Président qui collabore avec une Assemblée Nationale et donc un Premier ministre d’une autre couleur politique, est toujours possible.
  • Depuis 2002 et l’entrée en vigueur du quinquennat, qui aligne le mandat du président sur celui des députés, la Constitution rend automatique cet effet « majorité présidentielle ». La présidentielle devient donc l’élection reine de notre vie politique. La cohabitation est moins probable.
  • Le Président de la République a donc gagné en pouvoir avec la réforme de 2002. Qu’on admette ou qu’on critique cette hyperprésidence, gagner la présidentielle, l’élection qui compte double, semble être incontournable pour changer la Vème République.

Sources et références

L’esprit de la constitution de la Vème

 

Pour comprendre la Vème République, il faut d’abord bien comprendre le contexte qui l’a vu naître. La Vème République a été promulguée le 4 octobre 1958. Cette Constitution fait suite, c’est évident, à la IVème République. Elle a été pensée pour remédier aux défauts de la IVème.

Comprendre la IVème République

La IVème République était un régime parlementaire. Le Président (“René Coty, notre raïs à nous” selon OSS 117) n’y jouait qu’un rôle de représentation. Le vrai pouvoir était au Président du conseil, équivalent du Premier ministre actuel.Le Président du conseil, exactement comme le Premier ministre actuel, doit son pouvoir à la majorité des députés de l’Assemblée Nationale. Dès l’instant où le Président du conseil et son gouvernement ne sont plus soutenus par une majorité des députés à l’Assemblée Nationale, le gouvernement tombe.

Ces “motions de censures” permettaient donc aux députés (et à leurs partis) d’être les véritables “faiseurs de rois” de la IVème République.

Une instabilité politique jamais vue

L’élection à la proportionnelle des députés, les recompositions incessantes des alliances entre partis et les crises coloniales ont conduit à une instabilité gouvernementale inouïe.
En 12 ans d’existence, la IVème République a connu 24 Présidents du Conseil qui ont formé 22 gouvernements différents. Durant sa dernière année d’existence après mai 1957, 5 gouvernements se sont succédés pour une durée moyenne d’exercice de 59 jours ! Difficile de faire plus instable.

La Vème République comme remède à ces défauts

C’est pour empêcher une telle instabilité gouvernementale, inacceptable au coeur de la guerre d’Algérie, que s’est imposé le projet de Vème République porté par les gaullistes. La Vème République répondait à toutes les sources de l’instabilité.

Pour empêcher le règne des partis, la Vème institue un Président de la République fort. Il est rapidement (après le référendum de 62) élu par le peuple au suffrage universel, il dispose du droit de dissolution pour mettre au pas les députés.

Pour empêcher  les changements incessants de majorités à l’Assemblée, exit le scrutin proportionnel. Les députés sont maintenant élus au scrutin uninominal à deux tours qui favorise immensément la constitution de majorité.

L’esprit de la Vème est donc, comme l’appelle le constitutionnaliste Philippe Raynaud dans un livre récent, un “présidentialisme majoritaire”.

 

Comprendre l’esprit de la Vème République en un article :

https://www.publicsenat.fr/article/politique/avec-la-constitution-de-1958-l-executif-retrouve-la-preeminence-133802

Le “présidentialisme majoritaire” défendu par Philippe Raynaud, à la radio :

https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-02-mars-2017

La participation à son maximum

Ce “présidentialisme majoritaire” renouait très bien avec l’histoire constitutionnelle longue du pays. En effet, avant les constitutions parlementaires de la IIIème et IVème République (dont on vient de décrire le destin), la France a connu deux Empires – celui de Napoléon Ier et celui de son neveu, Napoléon III.

La figure du Président de la Vème République (et surtout le premier d’entre eux le Général De Gaulle, “sauveur de la patrie” ) renoue avec cette stature monarchique ou impériale.

Et lorsqu’on regarde la participation aux élections présidentielles, force est d’admettre que cette figure du “monarque présidentiel” a l’air de convenir aux Français. On s’est amusé à calculer la participation moyenne aux élections présidentielles, législatives, municipales et européennes depuis 1980. Les voici sous forme de tableau :

 

 

La participation à l’élection présidentielle est plus de 16 points supérieure à celle aux élections législatives, seule élection comparable de portée nationale. Elle est également 10 points supérieure à celle des élections municipales, pourtant réputées être prisées des Français.

La présidentielle est donc LE moment fort de politisation électorale du pays.

 

Sources :

https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-elections

 

L’effet “majorité présidentielle” : la présidentielle emporte les législatives.

Seulement, la présidentielle n’a pas pour unique effet de faire élire le président. Le “présidentialisme majoritaire” a une autre conséquence : celui qui gagne la présidentielle gagne toujours les législatives dans la foulée.

C’est bien simple, à chaque fois qu’une élection présidentielle a été suivie d’élections législatives, le parti du Président, le parti estampillée “majorité présidentielle” sur les affiches électorales des candidats, est sorti vainqueur. Et souvent largement.

  • En 1981, François Mitterrand est élu avec 51.76 % des voix au second tour et son parti remporte 398 sièges aux législatives de juin.
  • Rebelote en 1988, Mitterrand est réélu à 54 % des suffrages et la majorité présidentielle remporte 306 sièges de députés.
  • Il a ensuite fallu attendre 2002 pour que des élections législatives aient lieu dans la foulée de l’élection présidentielle. Chirac l’emporte face à Jean-Marie Le Pen à 82 % et l’UMP réunit 398 députés.
  • En 2007, Sarkozy est élu avec 53 % des voix et l’UMP conserve 345 sièges à l’Assemblée.
  • En 2012, Hollande renverse Sarkozy avec 51.6 % des voix et son Parti Socialiste réunit 331 députés.
  • Enfin, en 2017, le fulgurant parti LREM parvient à faire élire 350 députés après que son président Macron l’a emporté à 66% contre Marine Le Pen.

Il y a deux raisons qui expliquent pourquoi, lorsque les législatives suivent l’élection présidentielle, les candidats “majorité présidentielle” l’emportent à chaque fois.

 

La démobilisation des électeurs défaits

La première est la démobilisation des électorats défaits à la présidentielle. Ce phénomène s’observe à chaque élection. Voici un tableau montrant les votes à la présidentielle dans les 30 circonscriptions où l’abstention a le plus progressé entre la présidentielle de 2017 et les législatives de la même année.

 

On voit très clairement que ces circonscriptions où l’abstention a le plus progressé ont beaucoup plus voté Marine Le Pen (+ 4.1 points) et Jean-Luc Mélenchon (+1.9 points) à la présidentielle que la moyenne nationale. Cela montre donc que les électeurs de ces candidats défaits se sont plus démobilisés que les autres.

 

La surmobilisation des électeurs vainqueurs

La seconde raison est la surmobilisation aux élections législatives des électeurs “vainqueurs” de la présidentielle. Voici un tableau montrant les votes à la présidentielle dans les 30 circonscriptions où l’abstention a le moins progressé entre la présidentielle de 2017 et les législatives de la même année.

 

On voit ici que dans ces circonscriptions qui ont le plus voté aux législatives, Emmanuel Macron réalisait des scores très élevés à la présidentielle ( +4.5 points) par rapport à la moyenne nationale. A l’inverse, dans ces mêmes circonscriptions qui ont le plus voté aux législatives, Marine Le Pen réalisait des scores très inférieurs ( – 7.7 points) à sa moyenne nationale.

On observe donc clairement, avec ces deux tableaux, la “double lame” de l’effet “majorité présidentielle”.

Les électeurs défaits se mobilisent relativement moins et les électeurs vainqueurs se mobilisent relativement plus, assurant ainsi la victoire aux législatives du parti présidentiel.

 

Source :
https://www.revuepolitique.fr/une-abstention-sans-precedent-a-des-legislatives-plus-que-jamais-de-confirmation/

Ce que change le quinquennat

La réforme constitutionnelle de 2000 fait passer le mandat du Président de la République de 7 à 5 ans. Pour ce qui nous occupe, cette réforme a une conséquence immense. Dorénavant, les mandats de Président de la République et de députés sont alignés. Et l’élection présidentielle précède à chaque fois les élections législatives.

Avec le quinquennat donc on verrouille “pour de bon” l’effet majorité présidentielle. Il aura lieu après chaque élection présidentielle de cette nouvelle Vème République.

Ca aboutit a des conséquences bien décrites par les constitutionnalistes.

L’effacement de l’Assemblée Nationale

D’abord, ça transforme le rôle de l’Assemblée Nationale. Le fait d’en arrimer concrètement la composition (et, donc, la majorité) au résultat de l’élection présidentielle transforme la majorité parlementaire  en une majorité présidentielle. Les députés fraîchement élus doivent leur élection à l’élan qui a porté le Président au pouvoir. Le centre de gravité de la Vème République se déplace donc un peu plus vers l’Elysée, au détriment du Parlement.

L’effacement du Premier ministre

Ensuite et par conséquent, le rôle de Premier Ministre se trouve transformé.
Dans l’esprit de De Gaulle, le Président devait fixer les grandes orientations politiques et le Premier Ministre devait conduire effectivement la politique du pays en s’assurant du soutien du Parlement (et singulièrement de l’Assemblée Nationale). Avec le quinquennat, on a transformé le Premier ministre en auxiliaire du Président.
Le Président joue sa réélection sur la politique effectivement conduite et se retrouve seul “maître des horloges”. Les réunions d’arbitrage ne se passent plus à Matignon mais à l’Elysée. Avec le quinquennat, le Premier Ministre s’efface définitivement dans l’ombre du Président.

 

Conclusion

En conclusion, nous comprenons beaucoup mieux pourquoi cette Vème République quinquennale est décrite comme un “présidentialisme majoritaire”. Le peuple tranche l’orientation politique pour 5 ans lors d’une élection et une seule : l’élection présidentielle.

Cette Vème République présidentialisée, qu’on soit pour ou qu’on soit contre, il faut composer avec cette réalité : pour gagner le pouvoir et même pour la changer, il faut gagner  l’élection reine, l’élection présidentielle.

 

Le quinquennat a tué la fonction de Premier Ministre :

https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/2017/05/15/35003-20170515ARTFIG00206–quoi-sert-le-premier-ministre.php

Le quinquennat vue par un Constitutionnaliste :

https://www.cairn.info/revue-commentaire-2017-1-page-113.htm?try_download=1&contenu=article

A quel point les députés LREM sont inexpérimentés :

https://www.lexpress.fr/actualite/politique/assemblees/apres-les-legislatives-une-drole-d-assemblee_1919514.html