La politique, c'est plein de personnages familiers : le président, les ministres, les députés, les sénateurs. Mais quels sont leurs pouvoirs réels ? Qui peut contraindre qui ? Pour le savoir, on va suivre un fil rouge : la loi.
La référence ultime de cette vidéo est la Constitution de la Vème République. Vous la trouverez, à jour de toute modification, ici, sur le site du Conseil Constitutionnel.
On pourrait penser que le gouvernement est un acteur de second plan dans le vote des lois. Certes, il peut en proposer (les projets de lois) et proposer des amendements mais il ne peut pas les voter. Seuls l’Assemblée nationale et le Sénat ont le pouvoir de voter les lois. Le gouvernement ne jouerait donc qu’un rôle secondaire.
Seulement, cette présentation est trompeuse. Nous avons vu dans la première partie de cette vidéo que le gouvernement écrivait les brouillons de 75 % des lois votées. Son influence ne s’arrête pas là. Il dispose de 4 armes constitutionnelles pour contraindre l’Assemblée nationale à voter les lois comme le souhaite le gouvernement.
D’abord les ordonnances. La majorité de l’Assemblée nationale se met d’accord sur les grandes lignes d’un texte. Le gouvernement rédige intégralement un projet de loi conforme aux grandes lignes décidées par l’Assemblée. Ce texte est réputé adopté en conseil des ministres. Dans un second temps, l’Assemblée et et le Sénat votent une loi de ratification qui porte sur l’ensemble du texte. C’est ou oui à tout, ou non à tout. Voyez cette excellente infographie pour comprendre le détail des ordonnances.
Ensuite le 49.3 – qui tire son nom de l’article de la Constitution qui en donne les règles. Le 49.3 est l’arme ultime du gouvernement. C’est son “all in”. Il se présente à l’Assemblée et dit “le texte est adopté, comme ça, sans aucun vote”. L’Assemblée dispose de 24 heures pour réagir. Si elle ne vote pas dans ces délais une motion de censure le texte est adopté. C’est un gros coup de poker pour le gouvernement. Si la motion de censure est votée, le gouvernement tombe. Il faudra alors former une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale et un nouveau gouvernement. En gros, avec le 49.3 le gouvernement joue “tout ou rien”. OU le texte passe OU je me casse.
Le vote bloqué est défini par l’article 44 alinéa 3 de la Constitution.
Cette disposition permet au gouvernement, à chaque instant, devant l’Assemblée ou le Sénat, d’interrompre les débat autour d’un texte pour forcer la chambre à un seul et unique vote : ou elle accepte la version voulue par le gouvernement ou il n’y aura pas de texte du tout.
Enfin, l’arme la plus couramment utilisée : la procédure accélérée (anciennement procédure d’urgence). Cette procédure est permise par l’article 45 de la Constitution. Le principe est simple : accélérer les débat. Au lieu de disposer de 3 allers-retour et de 6 semaines pour examiner un texte, l’Assemblée nationale et le Sénat ne verront le texte qu’une seule fois et après seulement 2 semaines d’examen.
La procédure accélérée est devenue quasiment normale. Nous avons calculé que, depuis 2012, presque la moitié des textes adoptées l’ont été sous le régime de la procédure accélérée. Le chiffre exact, en date du 08 décembre 2019, était de 305 procédures accélérée sur 613 textes votés depuis 2012 soit 48.75 %. Ce n’est donc plus du tout une procédure d’urgence, c’est devenu la norme. Les sources de ce calcul sont ici et là.
Avec ces 4 armes, le gouvernement dispose de plusieurs moyen pour contraindre l’Assemblée de voter les textes conformément à sa volonté. Son pouvoir sur les lois devient, en conséquence, particulièrement important.
Le Président de la République possède l’essentiel du pouvoir exécutif. Il signe les règlements, nomme aux plus hauts postes de l’administration et commande les armées. Le chef du pouvoir exécutif, le Président de la République n’a aucun pouvoir législatif direct. Il ne propose pas de nouvelles lois, il ne propose pas d’amendements et ne participe pas au vote des lois. Il n’a même pas le droit d’entrer à l’Assemblée nationale ou au Sénat pour tenir un discours. Emmanuel Macron a fait modifier la loi pour permettre au Président, très exceptionnellement, d’apparaître en face du “Congrès”, la réunion des deux chambres.
La Constitution obéit tout à fait au principe de séparation des pouvoirs.
Les seuls interventions du Président dans la mécanique législatives sont les référendums et son pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale.
Voilà ce que dit la théorie. Pourtant, le Président de la République est bien, dans le cas le plus fréquent, le personnage le plus puissant et le plus influent sur les lois et les budgets votés. Tout se joue dans l’article 9 de la Constitution :
Le Président dirige le conseil des ministres. Ca n’a l’air de rien, mais ce petit article donne un immense pouvoir au Président.
Le conseil des ministres est une réunion qui a lieu tous les mercredis matins à l’Elysée. C’est en conseil des ministres que de nombreux textes et nominations sont signés et, surtout, que se décide et s’organise l’activité du gouvernement. En conseil des ministres, le Président donne les consignes et le calendrier aux ministres. Il décide qui s’exprimera quand et et sur quels sujets, quelles seront les prochaines lois, quels ministres les défendront. C’est aussi en conseil des ministres que se prennent les “arbitrages”, que le Président tranche les désaccord entre tel ou tel ministre.
En sa qualité de président du conseil des ministres, le Président de la République acquiert un pouvoir immense sur les lois et budgets de notre Vème République. Voilà pourquoi on l’appelle le “maître des horloges”.
Attention en cas de COHABITATION, le rôle du Président de la République se réduit à peau de chagrin. Le vrai chef devient le Premier Ministre.