Chômage : la faute aux chômeurs ? - Osons Comprendre

Chômage : la faute aux chômeurs ?

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"Du boulot, y'en a il suffit de traverser la rue !", "Oh mais t'es bien content de profiter de tes allocs pépouze dans le canapé" des phrases comme ça, on en a tous entendues. Les chômeurs sont-ils responsables de leur chômage ? Cette vidéo fait le point.

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Points clés

  • Y-a-t-il des bons et des mauvais chômeurs ? Des chômeurs volontaires, qui cherchent à s’en sortir et à trouver un emploi, en face de chômeurs fainéants, tout contents de profiter de leurs allocations pendant que les autres bossent ?

 

  • Déjà, qui sont les chômeurs ? Selon Pôle emploi, la France compte 3.3 millions de chômeurs de catégorie A soit 11 % de la population active. Ce chiffre est différent des 8.4% de chômeurs comptés par l’INSEE. La différence est une affaire de convention, l’INSEE compte selon les standards internationaux, Pôle emploi recense les inscrits. Dans tous les cas, ces chômeurs sont plus souvent jeunes, peu diplômés, ouvriers non qualifiés et résident dans des départements ou communes sinistrées. Le taux de chômage des hommes est remarquablement similaire à celui des femmes. En revanche, le taux d’activité des femmes est inférieur. Les femmes sont plus nombreuses à être ou à la retraite ou “au foyer”.

 

  • Être au chômage permet-il de se la couler douce ? En réalité, pas vraiment. La moitié des demandeurs d’emplois inscrits à Pôle emploi ne touche pas d’allocation du tout. Et la moitié qui est bien indemnisée touche des revenus modestes. Presque 40 % des chômeurs vivent sous le seuil de pauvreté. Pas facile de les imaginer en profiteurs nantis qui vont passer du bon temps aux Bahamas.

 

  • Ensuite le chômeur fainéant. Après examen, on a vu que les chômeurs cherchent bien du travail dans l’immense majorité des cas. Les contrôles aléatoires de Pôle emploi ne détectent que peu de fraudeurs. Ensuite, on a découvert un phénomène très important : la continuité entre activité et chômage. Beaucoup de “demandeurs d’emplois” travaillent.. Les travailleurs précaires, à temps partiels, les fameux “chômeurs de catégorie B et C” font aussi la queue chez Pôle emploi, en quête de taff supplémentaire pour pouvoir vivre, et des allocations chômage complètent parfois leurs trop maigres revenus. Pour les “vrais” chômeurs, les 3.3 millions de catégorie A, on a vu qu’ils pouvaient être aussi motivés et volontaires que possible, il n’y a tout simplement pas assez d’emplois pour eux. En comptant très très large, seuls 300 000 emplois sont vacants. Même dans un scénario idéal – où ces emplois vacants seraient entièrement occupés par des chômeurs – seul 1 chômeur sur 8 pourrait être embauché. 2.7 millions de personnes resteraient sur le carreau.

 

  • Il faut se rendre à l’évidence,  le chômage de masse en France, ce n’est pas la faute des chômeurs. Le problème n’est pas individuel, ce n’est pas une question de bon ou de mauvais chômeurs. Le chômage a des causes bien plus structurelles, des causes économiques bien plus profondes que la fainéantise de Pierre Paul, Jacques.

Sources et références

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Combien de chômeurs en France ?

 

On va répondre à cette question en regardant le chômage en 2019, dans la période “pré-covid”, pour qu’on ait tous en tête les tendances lourdes du chômage en France.

 Les chômeurs, c’est les gens qui n’ont pas de travail et qui en cherchent. C’est ceux qui sont inscrits à Pôle emploi en catégorie A. Ils étaient 3,3 millions en 2019, soit 11 % de la population active (29.7 millions) .

 

11%, ça peut paraître beaucoup. Et c’est vrai, c’est bizarre. Le taux de chômage officiel, aujourd’hui comme en 2019, il est plutôt de 8 %.

Alors pourquoi un tel écart ?

Parce que ce taux de chômage à 8% que vous voyez commenté partout, il ne vient pas de Pôle emploi, il vient de l’INSEE. L’INSEE compte les chômeurs selon les critères du Bureau international du travail, le BIT. Ces critères sont un peu différents.

L’INSEE a consacré en 2019 un dossier complet pour détailler les différences entre sont “Enquête emploi”, qui compte les chômeurs au sens du BIT et le “halo du chômage”, et les catégories de Pôle emploi. Je vous le recommande pour comprendre ces différences en détails mais remarquons déjà un chiffre, issu du tableau page 7 du dossier de l’INSEE.

On y voit qu’une partie importante des inscrits à Pôle emploi en catégorie A ne remplissent pas les critères du BIT qu’utilise l’INSEE uniquement de façon temporaire. 185 000 personnes (37 % de 0.5 millions) ne sont pas comptés comme chômeurs par l’INSEE mais l’auraient été le mois suivant.

 

Faisons maintenant connaissance avec les autres catégories de chômeurs de Pôle emploi, les catégories B et C.

Il s’agit de personnes qui sont inscrites à Pôle emploi – qui cherchent du taff, qui sont en langage technique demandeurs d’emploi – mais qui travaillent à temps partiel ou en contrats courts. En gros, les B c’est celles et ceux qui, dans le mois, ont travaillé moins d’un mi-temps, et les C c’est celles et deux qui ont bossé plus qu’un mi-temps.

Ces gens qui naviguent entre petits boulots, travail partiel et recherche d’emploi, ils sont 2,1 millions. C’est loin d’être anecdotique !

Quand on prend les chômeurs de catégorie A, et qu’on y ajoute les travailleurs partiels B et C qui aimeraient trouver plus de boulot, qui sont aussi “demandeurs d’emploi”, on arrive à 5,4 millions de personnes en recherche d’emploi.

2,1 millions de travailleurs à temps partiels sur 5,4 millions de personnes en recherche d’emploi, c’est presque 40% (38%). J’insiste : 40% des demandeurs d’emploi inscrits à pôle emploi travaillent à temps réduit.

 

 

Qui sont les chômeurs ?

 

Dans cette partie, il s’agira surtout de comparer des “taux de chômage”, des pourcentages, on utilisera donc les statistiques de l’INSEE.

Premier élément, les chômeurs, c’est d’abord des jeunes.

Les jeunes de moins de 25 ans sont 2 à 3 fois plus au chômage que la moyenne ! Il s’agit ici de jeunes qui ne sont pas en étude ou en formation. Ces derniers ne sont pas comptés dans le chômage parce qu’ils ne font pas partie de la population active. Remarquons aussi que le taux de chômage se met à remonter chez les plus vieux, juste avant la retraite.

 

Après l’âge, on peut voir que le chômage concerne surtout les personnes les moins diplômées : à mesure que le niveau de diplôme augmente, le taux de chômage diminue.

Dans la même ligne, les ouvriers – et particulièrement les ouvriers non qualifiés –  sont beaucoup plus touchés par le chômage que les cadres.

En revanche, les femmes et les hommes ont des taux de chômage quasiment identiques. Cela dit, un point, lié au travail et à l’emploi, diffère entre hommes et femmes, c’est le taux d’activité c’est-à-dire la part d’une population qui est disponible pour travailler.

Le taux d’activité masculin est bien supérieur à celui des femmes. Pourquoi ? Pour une partie parce que les femmes vivent plus âgées que les hommes, donc y’a plus de retraitées – qui sont comptées comme inactives. Et pour une autre partie parce que les femmes sont plus nombreuses à rester dans leur foyer s’occuper des enfants ou de personnes dépendantes.

 

Enfin, on comprendrait rien à “qui est au chômage” si on ne regardait pas la géographie. Des territoires sont plus frappés par le chômage, par le manque de taff que d’autres.

Ça se voit très bien à l’échelle des départements où le taux de chômage peut varier du simple au triple entre le Cantal et ses même pas 5% de chômeurs et les Pyrénées Orientales où + 13 % des gens cherchent du taff !

Si vous regardez au niveau des communes, c’est encore pire. A Roubaix – qui compte quand même presque 100 000 habitants (96 000) c’est quasi un actif sur 3 (31.1%) qui est au chômage !! A Mulhouse, ville de 110 000 habitants c’est + d’un sur 4 (27.3%). Des villes avec des taux de chômage supérieurs à 25 %, il y en a plus de 500 en France !!

SOURCE : Observatoire des territoires, “Taux de chômage des 15-64 ans – 2018” 

 

 

Combien gagnent les chômeurs ?

 

On entend parfois que les chômeurs sont peinards avec leurs allocs, et vivent plutôt bien pendant que les autres bossent.

Combien on gagne quand on est au chômage ? Comme toujours, on prend des stats de 2019, pré Covid et pré réforme du chômage pour bien comprendre les tendances lourdes.

 

Sur 5.4 millions de demandeurs d’emplois inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B ou C, seule la MOITIÉ touchait une indemnisation !!!

SOURCE  : Pole emploi, Statistiques « Part des demandeurs d’emplois indemnisables – Catégories ABC »

 

Comment ça se fait ?

Une partie des inscrits à Pôle emploi n’a pas droit à des indemnités chômage.  Certains chômeurs n’ont pas assez cotisé pour toucher des allocations : c’est le cas des jeunes “primo entrants” sur marché du travail, des personnes qui reviennent sur le marché après inactivité (femmes au foyer, longue maladie par exemple), des personnes qui démissionnent.

Le nombre de personnes concernées par ce problème risque d’augmenter avec la réforme chômage Macron entrée en vigueur en 2021. Avant la réforme, pour avoir droit à des indemnités, il fallait avoir travaillé l’équivalent de 4 mois pleins durant les 28 derniers mois. Depuis la réforme, les indemnités ne concernent que ceux qui ont bossé l’équivalent de 6 mois plein dans les 2 dernières années, soit les 24 derniers mois.

D’autres chômeurs sont restés tellement longtemps au chômage qu’ils ont épuisé leurs droits à des indemnités.

L’indemnisation chômage dure au maximum 2 ans, et ça monte jusqu’à 3 ans pour les chômeurs de plus  de 55 ans. Mais après ça, plus d’allocations chômage !

Le problème c’est que, d’après l’INSEE on a presque 1 chômeur sur 5 qui n’a pas travaillé depuis 2 ans ou plus.

Regardons maintenant combien touche la moitié de chômeurs qui a la chance d’avoir des droits et de toucher une allocation. Pour le savoir, on a utilisé les statistiques officielles de Pole emploi et un outil de conversion “brut / net” disponible facilement en ligne.

Voilà les résultats.

SOURCE  : Pole emploi, Statistiques « Montant d’indémnisation moyen », Conversion brut et net : “Salaire brut en net – Calcul de l’ARE”T4 – 2019 

 

Si les allocations chômage sont rarement mirobolantes, c’est parce que le calcul des allocations chômage est construit pour que les allocations soient inférieures au salaire. Comme ce qu’on expliquait pour les retraites dans cette vidéo, il y a un ce qu’on appelle un “taux de remplacement”. Quelle fraction de ton ancien salaire va représenter l’allocation chômage ?

Ce taux de remplacement est dégressif : il est plus élevé pour les petits salaires que pour les hauts salaires. En 2018, un salarié au SMIC touchait 80% de son ancien salaire, quand le cadre à 3000 €/mois n’en touchait que 64%.

Les chômeurs perdent donc entre 20% et un tiers de leur ancien salaire, et bien sûr, au bout d’un moment, ils épuisent leur droit. Résultats : beaucoup des chômeurs finissent au RSA. Ca augmente évidemment avec l’ancienneté du chômage

Autre conséquence : les chômeurs sont souvent pauvres. En 2019 selon l’INSEE, les chômeurs sont la catégorie sociale au taux de pauvreté le plus élevé. Quasiment 40 % des chômeurs vivent sous le seuil de pauvreté contre 7% seulement des salariés !

 

 

Y a-t-il assez de travail pour tous les chômeurs ?

 

Vous vous souvenez de Macron qui expliquait à un chômeur qu’il n’avait qu’à traverser la rue pour trouver un boulot ?

Pour répondre à cette question, il faut qu’on regarde ce que disent les chiffres et notamment les chiffres d’emplois vacants – les offres d’emploi qui, justement, attendent qu’un chômeur traverse la rue pour y postuler.

Le chiffre le plus populaire sur les emplois vacants, c’est le chiffre des “300 000 recrutements abandonnés” qu’a notamment repris la ministre du Travail de l’époque, Muriel Pénicaud.

Ce chiffre provient d’une enquête Pôle emploi qui montre qu’il y aurait eu 157 000 recrutements abandonnés faute de candidats en France en 2017 chez Pôle Emploi. A partir de leurs 157 000 recrutements abandonnés, Pôle emploi extrapole pour trouver le nombre total d’offres d’emplois non pourvues en France. Pôle emploi dit qu’en incluant les recrutements qui ne passent pas par ses services, les embauches qui se font par bouche à oreille, par les réseaux sociaux, par des cabinets de recrutement, il y aurait une fourchette de 210 000 à 350 000 recrutements abandonnés en France faute de candidats.

 

Tout le chiffre est construit à partir des 157 000 recrutements abandonnés de Pôle emploi.

Le premier problème c’est que les offres qui atterrissent à Pôle emploi sont souvent les offres d’emploi les moins attractives. Les employeurs, quand ils ont un poste génial à pourvoir, ils passent plus souvent par les réseaux sociaux, le bouche à oreille, un cabinet de chasseur de tête que par Pôle emploi.

D’ailleurs les employeurs le reconnaissent : quand Pôle emploi interroge les employeurs qui ont eu des difficultés à recruter via leurs agences (page 6), ils sont 77 % à affirmer que les offres postées étaient “peu attractives” en raison de la rémunération, de la difficulté, des horaires.

Il y a donc beaucoup de chance que les “recrutements abandonnés” soient supérieurs chez Pôle emploi que dans le reste du marché du travail. Le chiffre de 300 000 est donc gonflé.

 

En réalité, le meilleur chiffre des emplois vacants, c’est pas celui de la ministre. C’est celui d’une autre grande enquête que Pôle emploi mène avec le CRÉDOC : l’enquête “Besoin de main d’œuvre”.

Cette enquête se base sur des centaines de milliers de questionnaires passés dans les entreprises et, surtout, sur 20 000 entretiens téléphoniques représentatifs pour entrer dans le détail des conditions de recrutement. Que nous dit cette enquête ?

Elle nous dit que 120 000 offres seulement ont été non pourvues de façon définitive en 2019. Pourquoi ces 120 000 offres sont-elles restées lettre morte ? L’enquête nous le dit.

20 % seulement des offres sont restées en plan parce qu’aucun candidat n’est venu. Ça fait 24 000 recrutements abandonnés faute de candidat. C’est beaucoup beaucoup moins que les chiffres de la ministre, et c’est très peu.

Quand on compare ce chiffre aux 26.6 millions d’embauches réalisées chaque année (0.09%) ou même – admettons qu’on soit exigeant – aux 4.2 millions d’embauche en CDI (0.6%) qui ont eu lieu en 2019, on se rend bien compte que nos 24 000 emplois abandonnés faute de candidat, c’est dérisoire.

SOURCE : URSSAF, Enquête ASSOC 2020, Déclaration d’embauche corrigées des variations saisonnières pour l’année 2019, p.4

 

Dans l’extraordinaire majorité des cas, les offres d’emplois finissent par trouver preneur, les entreprises “arrivent à embaucher en France”

En clair, si nos 3,3 millions de chômeurs étaient tous prêts à tout pour travailler, quitte à faire un taff qui n’a rien à voir avec leur métier, si tous les horticulteurs au chomdu étaient prêt à traverser la rue pour devenir serveurs de resto, y aurait tout simplement pas assez de boulot pour tout le monde.

Il y a beaucoup beaucoup plus de chômeurs que d’emplois vacants ! Même si les 120.000 emplois non pourvus étaient tous occupés par un chômeur super motivé, il en resterait quand même plus de 3 millions sur le carreau.

 

 

Les chômeurs cherchent-ils vraiment du travail ?

 

Si on veut se faire l’avocat du diable, on pourrait se dire : même s’il n’ y a pas beaucoup d’offres, ceux qui trouvent, ça doit être ceux qui se bougent. Ça doit être les “bons chômeurs”.

Et les autres, les “mauvais chômeurs”, peut-être qu’ils sont très contents d’être au chômage. Est-ce que la majorité des gens au chômage se satisfait de son sort et ne cherche pas de boulot ?

Pour répondre à cette question, on a des chiffres qui nous viennent directement de Pôle emploi et concernent l’année 2018. Depuis quelques années, de plus en plus de contrôles sont effectués pour vérifier que les chômeurs cherchent bien du travail. Quel est le résultat de ces contrôles ?

L’immense majorité, 88% des personnes contrôlées cherche bien du travail. Seulement 12% sont jugés en recherche insuffisante d’emploi et se font radier.

Alors déjà 12%, c’est très loin de faire la majorité, mais en plus, les chômeurs qui, à la suite des contrôles, se font radier, c’est 2 fois plus souvent des chômeurs qui ne touchaient rien de pôle emploi que des chômeurs indemnisés.

On comprend donc, grâce à cette étude, que les personnes qui touchent des allocations chômage sans chercher d’emploi sont une infime minorité.

 

Et encore, les gens contrôlés par Pôle Emploi ne le sont pas tous au hasard.

Plus de la moitié des contrôles  se fait sur signalement du conseiller (9%), ou sur la base de  critères de risque d’avoir quelqu’un qui ne cherche pas assez (49%).

SOURCE : Pole emploi, Le Contrôle de la recherche d’emploi, Août 2018, p.3 

Parmi les contrôlés, on devrait donc avoir plus de « chômeurs qui cherchent pas” que dans l’ensemble des chômeurs, puisqu’il y a plus de profils sélectionnés exprès parce qu’ils sont « louches » pour Pôle Emploi.

Bref: les chômeurs qui ne cherchent pas sont sûrement encore plus minoritaires que les 12 % de l’étude.